Comprendre la schizophrénie avec Ana Hop
La photographe capture tendrement sa tante dans la série “Auntie” et secoue les préjugés touchant les personnes atteintes de maladie mentale.
“Auntie” - Ana Hop
Maintien digne, attitude sérieuse, regard profond. “Auntie”, la tante maternelle d’Ana Hop est consciente de l’objectif braqué sur elle. Sa nièce a souhaité la photographier dans son quotidien pour tenter d’expliquer la maladie qui l’accable depuis de nombreuses années, la schizophrénie.
Ana Hop est née au Mexique. Sa mère photographe lui remet un jour son appareil pour un cours à l’université. Depuis, Ana Hop en a fait son métier avec une prédilection pour le portrait. Ses photographies éditoriales sont parues entre autres dans National Geographic Traveler. Mais depuis la pandémie, la photographe a réorienté son travail vers des sujets de société, plongeant au cœur de l’humain.
Cela faisait déjà des années qu’elle photographiait sa tante Arminda, dont elle a toujours su qu’elle avait quelque chose de différent. C’est son père qui lui apprend qu’elle souffre de schizophrénie. Pendant un temps, Ana Hop arrête de photographier sa tante. Mais après sa participation à un atelier de la photographe Siân Davey, connue pour avoir photographié sa fille atteinte du syndrome de Down, elle reprend sa série documentaire Auntie et ce, malgré l’opposition de sa mère.
Réussir à représenter une maladie intangible
Ana Hop prend des clichés de sa tante dans son environnement et son quotidien, sans mise en scène. On la voit pensive dans sa chambre, fumant une cigarette avec acharnement ou encore simplement assise sur une chaise.
Ses traits sont tirés, visiblement en souffrance car comme le dit la photographe, « être schizophrène c’est vivre avec la douleur en permanence ». Celle causée par les médicaments et celle induite par les peurs de sa tante, qui l’isolent et la rendent anxieuse. Au-delà de son visage, il n’est pourtant pas évident qu’Auntie est atteinte de maladie mentale.
« Photographier la schizophrénie n’est pas simple », explique Ana Hop. « J’ai beaucoup de portraits d’elle au sein de mêmes scénarios. J’essaie de représenter cette idée d’ennui dans le fait qu’elle fasse toujours les mêmes choses. L’un de mes plus grands défis par exemple, c’est qu’elle s’assoit toujours sur la même chaise ».
Mais la série Auntie n’est pas uniquement composée de portraits. Sa tante passant beaucoup de temps à raconter ses souvenirs, Ana Hop s’est attachée à immortaliser des détails de son environnement qui rendent compte chacun à leur manière de fragments de sa personnalité. Et des traces de sa vie avant la maladie, afin de montrer la façon dont la schizophrénie s’insinue petit à petit dans l’existence.
Changer les stéréotypes liés aux malades
Auntie aime à partager ses souvenirs de jeunesse. Elle raconte ainsi sa rencontre avec un Français dans le métro, avec lequel elle échangera des lettres. Sa nièce ne sait pas trop si elle doit la croire. C’est comme si sa tante vivait dans une réalité alternative. Elle pense que l’on réalise un film sur sa vie, c’est sa manière d’expliquer sa douleur car elle pense que souffrir la rend meilleure actrice.
« On considère habituellement la maladie mentale comme étrange. On pense que les malades ne sont pas intelligents », regrette la photographe. « Les gens usent de termes péjoratifs comme « fou » pour désigner les personnes atteintes de maladie mentale. En exposant la réalité de cette maladie, je cherche à créer un espace pour que les personnes qui ne sont pas concernées puissent éprouver de l’empathie ».
Après la pandémie, la tante d’Ana Hop a emménagé dans une maison de soin car elle ne pouvait plus vivre seule. En triant ses affaires, la photographe est tombée sur des lettres en français, envoyées par l’amour de jeunesse d’Auntie. De ces souvenirs chéris par sa tante, elle a fait des clichés.
Ana Hop poursuit en parallèle son travail documentaire. Elle a débuté une série illustrant le parcours d’une femme transsexuelle qui se prostitue.
Auntie (2014 – aujourd’hui), une série de photographies par Ana Hop à retrouver sur son site internet.
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
“Auntie” - Ana Hop
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