Fujiko Nakaya sculpte le brouillard

Cette artiste est la première à utiliser le brouillard comme moyen d’expression pour ses oeuvres sensorielles majoritairement éphémères.

27.12.2018

© Fujiko Nakaya

Depuis quarante ans, les sculptures en brouillard de Fujiko Nakaya font le tour du monde. L’artiste fait partie des lauréats 2018 du prestigieux Praemium Imperiale, un prix international décerné chaque année à cinq artistes par la famille impériale du Japon.

Fujiko Nakaya, née en 1933 à Sapporo, est la première artiste à utiliser le brouillard comme moyen d’expression. Elle entoure des objets de sculptures vaporeuses pour mieux les révéler et s’investit régulièrement dans la collaboration avec d’autres artistes, qu’ils soient architectes, sculpteurs ou chorégraphes comme Trisha Brown.

Ses œuvres éphémères (mis à part celle de Canberra, exposée depuis 1983) magnifient les espaces publics. À travers les décennies, l’artiste a entre autres investi le bassin des nymphes du Grand Palais à Paris, le musée Guggenheim de Bilbao, la célèbre Maison de verre dans le Connecticut et a créé la Forêt des Enfants du parc mémorial Showa de Tokyo, une œuvre vivante permettant aux plus jeunes de faire l’expérience sensorielle du brouillard.

 

De la peinture des nuages à la mise en forme du brouillard

Pour Fujiko Nakaya, tout a commencé dans les années 1960. À l’époque, elle étudie dans l’Illinois, aux États-Unis, et peint des nuages, dont la volatilité lui rappelle celle de la vie humaine. Elle ressent toutefois le besoin d’être plus proche du monde qui l’entoure, à ce moment du XXème siècle où les mobilisations politiques et sociales atteignent leur paroxysme. C’est alors que lui vient l’idée de jouer avec la brume, un matériau littéralement plus “terre-à-terre” que les cumulus qui l’occupaient jusqu’alors.

Son rêve a l’occasion de se concrétiser lorsqu’elle devient membre, en 1967, de l’Experiments in Art and Technology (E.A.T.), une association qui vise à réunir ingénieurs et artistes autour de projets communs. Trois ans plus tard, lors de l’exposition universelle d’Osaka en 1970, Fujiko Nakaya entoure de brouillard artificiel le pavillon Pepsi avec l’aide du chimiste Thomas Mee. L’œuvre — du jamais vu — est extrêmement remarquée. La sculpture en brouillard devient son médium privilégié et lance sa carrière à l’international.

 

Magnifier la brume artificielle

Cet art expérimental donne la parole à la nature. Fujiko Nakaya n’essaye pas de façonner l’environnement selon son bon vouloir mais collabore avec les éléments qui l’entourent. Avant d’installer ses sculptures à un endroit précis, Fujiko Nakaya étudie les conditions météorologiques du lieu pendant plusieurs mois afin de déterminer son degré d’humidité et la vitesse du vent qui portera son brouillard artificiel.

Au fil des ans, l’artiste a développé un arsenal de techniques permettant de réguler en partie l’épaisseur et la direction de la brume (et a même breveté l’une d’entre elles). Pour Fujiko Nakaya, les liens entre l’art et la science sont d’ailleurs une histoire de famille : son père, Ukichiro Nakaya (1900-1962), professeur à l’université des sciences d’Hokkaido, est la première personne au monde a avoir créé des flocons de neige artificiels.

 

Une des oeuvres de Fujiko Nakaya est exposée au musée Guggenheim de Bilbao.

© Fujiko Nakaya