Hasui Kawase, la saison de l’estampe
Icône du mouvement Shin-hanga, l’artiste sait jouer du contraste entre ombre et lumière pour sublimer ses paysages.
Hasui Kawase, “Lac Matsubara, Shinshu (1941)” — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.
Des paysages enneigés, des arbres, des cours d’eau, un cadre éclairé par la lune. Dans cet environnement, l’humanité a construit ses propres structures. Pourtant, dans les estampes de Hasui Kawase, les figures humaines se font discrètes, ne sont qu’un élément mineur du décor.
Au fil de ses voyages, Hasui Kawase capture ce qui demeure un symbole du temps qui passe, et des sentiments qui lui sont associés. L’artiste, né en 1883 dans une famille tokyoïte de marchands, est l’un des acteurs du mouvement pictural Shin-hanga, ou le « renouveau pictural » — des artistes mêlant les codes de l’ukiyo-e et ceux de l’impressionnisme occidental, parmi lesquels figure également Hiroshi Yoshida. Formé auprès du grand peintre Kiyokata Kaburagi — qui avait dans un premier temps refusé sa demande —, c’est en 1918 que celui qui deviendra son mentor et éditeur, Shozaburo Watanabe, rencontre l’œuvre de Hasui Kawase.
Des saisons immédiatement identifiables
Dans ses estampes, l’atmosphère est toujours douce, apaisée. Hasui Kawase représente les paysages japonais du début du XXème siècle dans leur diversité : ruraux, semi-urbains, ou citadins, associés à leurs symboles tels que les montagnes, rivières, maisons, ou temples. Suivant la convention propre à l’estampe japonaise, le nom du lieu où a été capturé le paysage représenté est mentionné.
Au-delà de ce cadre, Hasui Kawase s’attache à capturer les détails qui permettent au public d’immédiatement identifier la saison représentée, au regard de la flore, ou de la présence de neige. De ces éléments naissent les sentiments associés : rudesse de l’hiver, douceur du printemps, poésie d’un coucher de soleil d’été. L’œuvre de Hasui Kawase est aussi empreinte de nostalgie, les traces d’une société entrant dans la modernité sont absentes — une caractéristique qui réunit l’ensemble des acteurs du mouvement Shin-hanga.
Une carrière marquée par la fragilité
La vie et la carrière de l’artiste sont marquées par un événement central. Le 1er septembre 1923 — cinq ans après le début de leur collaboration —, l’artiste et son éditeur doivent repartir de zéro après le tremblement de terre qui détruit Tokyo et fait 140 000 morts. Les bois d’estampes sont endommagés ou inutilisables tandis que les carnets de croquis de l’artiste sont détruits. Le travail de recréation du duo porte ses fruits et en 1930, une grande exposition est organisée aux États-Unis, au Museum of Art de Toledo.
Certains verront cet événement entrer en résonance avec une œuvre dans laquelle l’homme paraît si fragile, seul face à son environnement.
En 1956, un an avant la disparition de l’artiste, le gouvernement japonais lui a décerné le titre de Trésor national vivant, pour une estampe datant de 1925 représentant le temple Zojo-ji à Shiba sous la neige — un lieu où six des shoguns Tokugawa sont enterrés.
Visions of Japan: Kawase Hasui’s Masterpieces (2004), un ouvrage de Kendall H. Brown publié par Brill. La Ronin Gallery de New York diffuse par ailleurs le travail de Hasui Kawase.

Hasui Kawase, “Soir de printemps au Toshogu à Ueno” (1948) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.

Hasui Kawase, “Temple Zojo sous la neige, Shiba” (1925) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.

Hasui Kawase, “Soir de lune à Nakanoshima, Sapporo” (1933) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.

Hasui Kawase, “Temple Tsubosaka, Yamato” (1950) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.

Hasui Kawase, “Temple Tamon à Hamahagi, région de Boshu” (1934) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.

Hasui Kawase, “Nuit étoilée à Miyajima” (1928) — avec l'aimable autorisation de la Ronin Gallery.
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