La quête de l’éphémère selon Andrew Curry
Le photographe américain, installé au Japon depuis 2014, tente de capturer l'insaisissable dans sa série “mono no aware”.
© Andrew Curry
Des cerisiers en fleurs, un épais brouillard nappant la cime des arbres, les couleurs chaudes des néons se reflétant sur la chaussée humide après la pluie… Andrew Curry arpente les artères japonaises en quête d’instantanés à emprisonner dans son objectif.
« 物 の 哀 れ, mono no aware, qui signifie une sensibilité aux éphémères, est l’un de mes concepts japonais préférés », explique le photographe dans une interview à Pen. Il confie s’être lancé dans cette quête de l’éphémère après avoir parcouru le livre de Leonard Koren dédié au wabi-sabi, en citant notamment ce poème de Fujiwara no Teika, poète japonais du XIIème siècle.
All around, no flowers in bloom
Nor maple leaves in glare
A solitary fisherman’s hut alone
On the twilight shore
Of this autumn eve
Attiré depuis de longues années par l’esthétique du Japon, notamment à travers les arts et l’étude du bouddhisme zen, il fait finalement le choix de quitter la Floride pour l’archipel en 2014, afin d’y exercer son métier de photographe. Il signe depuis des campagnes pour des marques comme Apple ou Levi’s, tout en travaillant en tant que photoreporter pour le Japan Times ou Asia Photographed.
Immortaliser des impressions intangibles
« J’aime le défi de trouver les contreparties visuelles du poème de Fujiwara. Je crois que les environnements chaotiques offrent des chances uniques de capturer et d’absorber des moments calmes et réfléchis existant à la frontière du néant, entre l’action et la non-action. Ce sont ces moments que je cherche à encapsuler dans mon travail », détaille Andrew Curry
Si le photographe parcourt tout l’archipel, il ressent une préférence pour la capitale qui, selon lui, emmagasine au fil du temps les mutations de la société nippone. « Le Japon est connu pour son respect de l’impermanence et son acceptation de l’inévitable. Ma photographie a l’intention de capturer ces impressions intangibles, pour connecter les autres à cette ville stratifiée et complexe », conclut le photographe. Un travail photographique d’arpenteur urbain qui n’est pas sans rappeler celui de la photographe Emily Shur, qui déambule dans le pays pour en saisir les métamorphoses depuis douze ans.
mono no aware (2014-), une série de photographies par Andrew Curry à retrouver sur son site internet.
© Andrew Curry
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