Le Japon fantasmé des collages d’Audrey Guttman
Avec divers matériaux collectés lors de voyages et dont l’imagerie l’interpelle, l'artiste assemble des éléments réminiscents de l'ère Showa.
“Libertà” by Audrey Guttman
Silhouettes en noir et blanc de femmes élégantes ou enjouées, geisha, lutteurs et autres acteurs du théâtre nô peuplent l’imaginaire du Japon d’Audrey Guttman. Découpés dans les pages d’anciens magazines érotiques ou revues photographiques, ces personnages s’animent hors de leur contexte, accolés à des images de la nature, si présente dans l’archipel. Des paysages enneigés et plantes sauvages, ou encore de poétiques vols d’oiseaux, leur confèrent un caractère intemporel et une certaine nostalgie.
Lors de ses différents séjours japonais, Audrey Guttman, artiste et auteure d’origine belge résidant à Paris, rassemble divers matériaux dont l’imagerie l’interpelle. Des brochures touristiques, par exemple, qui la poussent à s’interroger sur l’image du Japon présentée aux touristes. Mais aussi de vieux livres et magazines trouvés en écumant le quartier de Jimbocho à Tokyo, réputé pour ses librairies de seconde main. Ce qui l’intéresse, c’est le grain du papier d’antan, nettement supérieur à celui d’aujourd’hui, et surtout, la façon dont les Japonais ont traité l’imagerie des Trente Glorieuses.
Humour et liberté en image
Ce qui ressort des collages très marqués par l’ère Showa d’Audrey Guttman, c’est un certain sens de la liberté et de l’humour, habituellement sous-jacents dans une société très codifiée. Elle nous explique :
« Il me semble qu’au Japon, la liberté s’exprime beaucoup par l’image, par une culture visuelle très forte et très solide, sous cet aspect déluré que les Occidentaux retiennent souvent. Tout est extrêmement soigné, cultivé, mais en même temps, il y a quelque chose de complètement baroque, de théâtral sur le plan stylistique ».
Une fantaisie que l’artiste retranscrit dans cette série par le choix de ses sujets, assurément éclectique. On y retrouve des stars japonaises du cécifoot (le football pour aveugles) aux côtés de l’iconographie familière des meiko et des lutteurs de sumo.
Le mot et la forme
Au-delà des images, ce sont les mots qui forment le cœur du processus créatif d’Audrey Guttman. L’artiste pluridisciplinaire, passée par l’écriture (fiction, poésie, théâtre), n’a commencé à montrer son travail plastique qu’il y a cinq ans, en reprenant la technique du collage qu’elle pratique depuis l’enfance. Et ce travail reste fortement influencé par la poésie, la littérature et les langues.
Certaines des silhouettes de ses collages ont d’ailleurs pour trame de fond des pages de journaux japonais, couvertes d’idéogrammes. Car pour Audrey Guttman, l’esthétique japonaise ne saurait être détachée de son rapport à l’écrit :
« Il y a au Japon une sensibilité très spécifique à la photographie et à l’image en général. Dans ma tête, c’est lié à l’origine idéographique de l’écriture, à l’importance historique du graphisme, de la composition, de l’ensemble plutôt que du fragment isolé. Le Japon est peut-être le pays du collage par excellence, pour toutes ces raisons ».
Les collages d’Audrey Guttman sont à retrouver sur son site internet.
“White on White” by Audrey Guttman
“Jimbocho III” and “Jimbocho IV” by Audrey Guttman
“Jimbocho I” and “Looking Back” by Audrey Guttman
“Jimbocho II” by Audrey Guttman
“Hotel room collage I - Tokyo” and “Hotel room collage III - Osaka” by Audrey Guttman
“Impressions I” by Audrey Guttman
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