Pierre Soulages, une passion japonaise
Depuis son premier voyage au Japon en 1958, le peintre français a tissé d'étroits liens avec le pays et a reçu ses plus hautes distinctions.
Pierre Soulages au temple de Daisen-in, Kyoto, 1958. Photographie par Colette Soulages
Récompensé en 1992 d’un Praemium Imperiale, le « Nobel de l’art japonais », Pierre Soulages a reçu le 20 juillet 2021 l’Ordre du Soleil Levant des mains de l’ambassadeur du Japon en France — une cérémonie qui avait été repoussée d’un an au regard de la pandémie de Covid-19. La distinction, établie en 1875 par l’empereur Meiji, distingue des mérites exceptionnels civils ou militaires, et a précédemment récompensé le chef d’orchestre américain d’ascendance japonaise Kent Nagano ou le chanteur français Charles Aznavour.
Né en 1919, Pierre Soulages est aujourd’hui célébré à travers le monde grâce à une œuvre monochromatique entamée en 1979 avec la série Outrenoir, qui lui vaut le qualificatif de « peintre du noir et de la lumière ». Cette technique l’amène à appliquer sur la toile d’épaisses couches de peinture noire, qu’il sculpte et étend en de larges aplats lisses ou rugueux. Comme il l’explique à Patrick Vauday : « (à travers l’utilisation de cette) pâte noire, je ne travaille plus avec du noir, je travaille avec la lumière que réfléchit l’état de surface de la couleur que j’apporte. »
Un travail relayé au Japon par des collectionneurs
La relation entre Pierre Soulages et le Japon débute en 1951, avec une première exposition de son œuvre dans le pays, à l’occasion du salon de mai. L’artiste s’y rend pour la première fois en 1958, accompagné de sa femme Colette, invité dans le cadre de la Biennale internationale de Tokyo avec son ami le peintre Zao Wou-Ki. Fasciné par la culture japonaise, et très sensible au théâtre nô, il prolonge son séjour et reste six mois sur place.
Comme le détaille Matthieu Séguéla dans l’ouvrage Soulages. D’une rive à l’autre (Actes Sud, 2019) — co-écrit avec Michaël de Saint Cheron —, à cette occasion le couple rencontre les calligraphes du groupe Bokujin ou encore le sculpteur et maître d’ikebana Sofu Teshigahara. Ils font aussi connaissance avec d’importants collectionneurs qui assureront la diffusion du travail de Pierre Soulages dans le pays, notamment Soichiro Ohara à la tête du musée d’art de Kurashiki qui, l’année suivante, fait entrer la première toile de l’artiste français dans les collections d’une institution japonaise. C’est en 1984 qu’à l’initiative du mécène Seiji Tsutsumi une première rétrospective lui est consacrée au musée d’art Seibu de Tokyo.
Une création originale inspirée du sumo
L’année 2000 marque également une étape importante dans la relation entre l’artiste et la culture japonaise. À la demande du président Jacques Chirac, Pierre Soulages crée un vase pour la Manufacture nationale de Sèvres, qui devient trophée d’un tournoi de sumo au Japon. Cette unique intervention de l’artiste dans le domaine de la céramique comprend un cercle en or pur de 24 carats chanfreiné sur la partie supérieure du vase, symbolisant un Soleil qui rayonne par lui-même. Les Japonais y voient une allusion au mythe de la déesse du Soleil, Amaterasu, la protectrice qui figure sur le drapeau nippon sous la même forme.
Comme l’artiste le confiait en 1979 à Chieko Hasegawa, citée par Matthieu Séguéla, « le sumo aussi est quelque chose de très fort : ce moment où les lutteurs jettent du sel, l’instant où, après le calme, il y a cette dynamique dans laquelle deux corps massifs se percutent… Je crois que dans tous les arts, on recherche toujours cet équilibre entre le calme et le mouvement. »
Artiste vivant français le plus coté sur le marché de l’art, Pierre Soulages a vu son œuvre intégrer les plus grandes collections internationales, et notamment au Japon, dont celles du Hara Museum of Contemporary Art (Tokyo), du Museum of Modern Art (Toyama) et du Ohara Museum of Art (Kurashiki). Il est également régulièrement exposé par la galerie française Perrotin, qui dispose d’un espace à Tokyo.
Plus d’informations sur l’oeuvre de Pierre Soulages à retrouver sur le site internet de l’artiste.
Photo © Ambassade de France au Japon
Vase Soulages (2000)
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