Hayao Miyazaki, l’homme qui aimait les femmes

Le célèbre cinéaste met au centre de ses œuvres des personnages féminins forts, qui vont à l’encontre des clichés du cinéma d’animation.

12.03.2022

TexteSébastien Raineri

San dans “Princesse Mononoké” © Studio Ghibli

Dès 1984, avec Nausicaä de la Vallée du Vent, Hayao Miyazaki met en scène une femme (qui donne son nom au titre de l’œuvre) dont les caractéristiques sont plutôt attribuées à des personnages masculins : elle est forte, indépendante, combattive, virile. Dans ses films suivants, le cinéaste se joue des stéréotypes, et donne vie à des femmes qui vont à l’encontre des clichés du cinéma d’animation. Elles sont tour à tour guerrières, ordinaires, jeunes, vieilles, mères ou filles, mais sont avant tout crédibles et incroyablement attachantes.

Hayao Miyazaki est l’un des cinéastes les plus importants du XXème siècle. Né le 5 janvier 1941 à Tokyo, il est le cofondateur du Studio Ghibli en 1985 avec son confrère Isao Takahata. Réalisateur prolifique, il est considéré comme un trésor national au Japon, du fait de sa popularité et du succès record au box-office de ses nombreux films. C’est un cinéaste humaniste, qui a pour thèmes de prédilection l’écologie, la nature, la technologie, la guerre, l’humanité. Dans ses films, les protagonistes principaux sont souvent des femmes de tout âge et de tout milieu social, généralement fortes et indépendantes. Cela coïncide avec les aveux de Toshio Suzuki, le célèbre producteur du Studio Ghibli, qui dit de Hayao Miyazaki qu’il est tout simplement un féministe.

 

Des personnages complexes, parfois anti-héroïnes

Les personnages féminins de Hayao Miyazaki sont complexes et ambivalents, à l’image de la Princesse Kushana dans Nausicaä de la Vallée du Vent, de Dame Eboshi dans Princesse Mononoké (1997), ou des sorcières Yubaba et Zeniba dans Le Voyage de Chihiro (2001). Du côté des héroïnes, San, plus connue comme la Princesse Mononoké, se démarque par sa force et son courage pour sauver la forêt de la cruauté des hommes, dont elle se méfie, elle qui a été élevée par des loups. Dans Porco Rosso (1992), Fio, une jeune mécanicienne de 17 ans, se bat pour se faire respecter dans un milieu très masculin, d’autant plus dans l’Italie de l’entre-deux-guerres. Sa détermination d’adolescente lui permet de gagner le respect des hommes qui l’entourent. Dans Le Château Ambulant (2004), l’héroïne est une jeune fille de dix-huit ans, Sophie, qui est transformée en une vieille dame par une sorcière. Tout au long du film, Sophie accepte peu à peu son nouveau corps, de même que le spectateur qui s’habitue à sa nouvelle apparence, celle d’une femme âgée mais néanmoins courageuse et déterminée.

Toutefois, l’exemple le plus marquant reste celui de Chihiro, qui est l’un des personnages les plus emblématiques du Studio Ghibli. Cette petite fille peureuse se retrouve esseulée dans un monde fantastique, loin de ses parents qu’elle tente pourtant de sauver. Sa banalité est sa force, puisqu’elle est la représentation d’une enfant comme les autres, donc facilement identifiable. Dans le film, on la dit « vilaine », « fragile », « minuscule », tout le contraire de ce qu’on attend communément d’une héroïne, et c’est le tour de force de Hayao Miyazaki de figurer la féminité de manière plus réaliste, plus vraie.

 

L’image de la mère comme figure d’autorité

Le cinéaste a fortement été inspiré par sa propre mère, une femme particulièrement forte qui l’a élevé lui et ses frères. « Dans ma famille, c’était un univers très masculin. Je n’ai que des frères, la seule femme était ma mère », déclare Hayao Miyazaki. C’est pourquoi de nombreux personnages de sa filmographie la représentent implicitement, comme la mère de Satsuki et Mei dans Mon voisin Totoro (1988), Nahoko Satomi (la femme de Jiro Horikoshi) dans Le vent se lève (2013), ou bien encore Dora, la pirate de l’air dans Le Château dans le ciel (1986).

Les héroïnes de Hayao Miyazaki vont à l’encontre des stéréotypes promulgués par l’industrie du cinéma d’animation, ou du cinéma tout court. Leurs aventures sont des quêtes d’émancipation, avec pour ambition l’accomplissement de soi, l’entraide, l’humanité. Cependant, ces personnages féminins ne veulent pas devenir des hommes, elles n’ont aucun mépris pour eux. Ces femmes sont justes, ont des valeurs fortes telles que la compassion, l’amour, la tolérance, le respect. Elles sont exemplaires, bienveillantes, elles sont elles-mêmes, et c’est ce qui les rend si universelles.

 

Plus d’informations sur les films de Hayao Miyazaki sur le site officiel du Studio Ghibli.

Mei et Satsuki dans “Mon voisin Totoro” © Studio Ghibli

Sen/Chihiro dans “Le voyage de Chihiro” © Studio Ghibli

“Kiki la petite sorcière” © Studio Ghibli

Fio dans “Porco Rosso” © Studio Ghibli