Kodo Nishimura ou comment le bouddhisme accompagne la communauté LGBTQ+
D’enseignements sacrés millénaires, ce jeune moine a su tirer des notions d’inclusivité et d’expression aussi modernes que nécessaires.

© Kodo Nishimura par Masaki Sato
Né au sein d’une famille de religieux, rien ne semblait destiner Kodo Nishimura à faire des études à New-York et à devenir maquilleur professionnel pour les plus grands événements d’esthétique.
Pourtant, il a su combiner les enseignements de ses expériences pour devenir le porte-parole du mouvement en faveur du respect et de l’inclusivité des personnes LGBTQ+, et toutes les autres, au sein de la Fédération Japonaise de Bouddhisme, dont le logo aux mains jointes sur fond de drapeau multicolore est porteur de promesses et de positivisme.
Au départ, le doute
Kodo Nishimura grandit à Tokyo dans les années 1990. Dès son jeune âge, ses parents le destinent à mener une vie de religieux, comme son père, et lui rappellent ses responsabilités, son rôle de représentation dans la société, son besoin de se marier pour qu’une femme puisse l’aider à accomplir ses missions sacrées. Mais voilà, Kodo Nishimura ne s’imagine pas en modèle de vertu, ne souhaite pas se marier, ne veut pas d’une femme auprès de lui : en fait, il aime les hommes, et ne se reconnaît pas tout à fait dans l’identité de genre binaire qu’on lui a attribuée. Dans une société où le tabou autour de l’homosexualité règne, son adolescence est difficile. Il subit le rejet, le jugement, se pose des questions sur son existence, doute de ses qualités.
Au sortir du lycée, il décide de prendre un virage important et de s’écouter. Après tout, son prénom signifie « large d’esprit » et « confiant ». De quoi rêve-t-il alors ? De talons et de paillettes ! Direction les États-Unis, où la représentation plus commune et plus positive des personnes LGBTQ+ le frappe, et l’encourage à suivre sa passion : la mode et le maquillage. Diplômé, il deviendra assistant d’un maquilleur qui l’introduira au monde de la beauté, des concours et de la télévision, où sa carrière prend tournure petit à petit. Pourtant, les doutes et les questionnements profonds ne disparaissent pas tout à fait. Alors, il décide de retourner au Japon pour trouver des réponses.
Le bouddhisme offre une voie
Naturellement, il se tourne vers les enseignements bouddhiques avec lesquels il entretient une certaine familiarité. Y a-t-il des réponses pour lui au sein de ces écrits et de ces pratiques anciennes ? Pour aller au bout de sa quête, il s’engage à devenir moine, et entre en formation jusqu’à l’obtention de la certification. Il découvre, non sans étonnement, que les enseignements bouddhiques sont plus modernes et plus inclusifs qu’on ne le croit, si on veut bien les regarder avec un œil neuf. Son maître lui dira un jour : « les apparences et la division de genre entre hommes et femmes ne sont pas l’essence de l’enseignement bouddhique. Tout le monde peut être libéré, de manière égale ». Et son père de compléter : « à moins que les prêtres n’adoptent de nouveaux enseignements et de nouvelles idées pour être en adéquation avec leur époque, ils ne pourront jamais aider personne ».
C’est la révélation. Aujourd’hui, non seulement Kodo Nishimura a trouvé l’épanouissement en s’acceptant tel qu’il est, mais il est devenu capable de guider les autres sur cette voie, et a même rédigé un livre, sorti en France en août 2022. Dedans, il raconte son chemin, et livre ses conseils et ses interprétations favorables aux personnes LGBTQ+ des enseignements bouddhiques. En 2021, il se rapproche de la Fédération Japonaise de Bouddhisme pour créer un logo, le « sticker arc-en-ciel », utilisé pour représenter l’inclusivité et inviter les personnes LGBTQ+ à se sentir libres et aimées au sein de la communauté religieuse. Comme il l’écrit dans son ouvrage : « Qui aurait cru qu’un enseignement bouddhique nous dirait d’être féroces, fabuleux et parfaits [tel que l’on est] ? […] Voici un secret : le maquillage et le bouddhisme peuvent sembler différents, mais le but est le même. Mon rôle est de rehausser et protéger les couleurs particulières de chacun pour les aider à briller ! »
Le moine en talon aiguilles (2022), un livre de Kodo Nishimura publié aux éditions Guy Trénadiel.

© Fédération Japonaise de Bouddhisme, “Sticker arc-en-ciel”

© Kodo Nishimura enfant - photo personnelle

© New York Fashion Week - photo personnelle

© Kodo Nishimura - TDR

© Illustration de Kodo Nishimura

© Kodo Nishimura, “Le moine en talons aiguilles”, éditions Guy Trédaniel
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