“La république du bonheur”, fresque familiale

Dans cette suite de “La papeterie Tsubaki”, Ito Ogawa interroge la transmission intergénérationnelle et l’importance de la famille au Japon.

21.04.2021

TexteClémence Leleu

Dès les premières lignes du roman, Ito Ogawa replonge le lecteur là où elle l’avait laissé aux dernières pages de La papeterie Tsubaki : dans la ville côtière de Kamakura, où l’héroïne Hatoko est revenue vivre pour prendre les rênes de la boutique familiale et endosser le rôle d’écrivain public. La république du bonheur continue d’explorer les rapports humains mais si, dans le premier opus, l’auteure s’était penchée sur les liens amicaux qui unissent l’héroïne à ses voisins et clients, ce roman s’intéresse cette fois aux relations familiales. 

Ito Ogawa ausculte le cœur et les limites de cette notion cardinale qu’est la famille au Japon. Peut-on se considérer une famille lorsqu’un couple n’a pas d’enfant, même si l’un des deux membres en a déjà un ? Comment composer avec sa belle-famille ? Qu’advient-il du quotidien lorsque le mariage a été célébré et que l’on se retrouve à vivre ensemble sous le même toit ? Autant de questions auxquelles l’auteure tente de répondre par l’intermédiaire de la narration. 

 

Faire exister les aïeux

La république du bonheur interroge également la notion de transmission. L’importance de perpétuer les valeurs transmises par des parents aujourd’hui décédés. Faire exister leurs récits, raconter leur histoire encore et encore afin qu’elle ne tombe jamais dans l’oubli. Transmettre les gestes, les apprentissages que l’on a soi-même reçus. Ce roman, à la douce mélancolie, se veut l’écho de cette passation entre Hatoko et sa belle-fille QP. Par l’intermédiaire de recettes de cuisine, mais surtout en restranscrivant les premiers émois calligraphiques de QP, qui apprend peu à peu à manier la plume et le pinceau, à choisir les papiers, les reconnaître, et y esquisser quelques idéogrammes. 

Néanmoins, si La république du bonheur est la suite de La papeterie Tsubaki, les deux ouvrages peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre sans avoir l’impression d’être amputés d’éléments de contexte qui rendraient la plongée dans l’histoire fastidieuse. 

 

La république du bonheur (2020), un roman de Ito Ogawa publié aux éditions Picquier

© Chiyoe Sugita