Le Japon, archipel du suicide ?
Dans “La mort volontaire au Japon”, Maurice Pinguet analyse une pratique qui réunit anonymes et personnalités comme l'écrivain Yukio Mishima.
© Éditions Gallimard
Après une dédicace à Roland Barthes — Maurice Pinguet est celui qui invitera le sémiologue français au Japon —, le livre La mort volontaire au Japon s’ouvre, comme il se ferme 300 pages plus tard, par un chapitre dédié au seppuku, forme rituelle de suicide par éventration. Ici cependant, point de citoyen japonais mais un citoyen et homme politique romain, Caton d’Utique (95 av JC – 46 av JC). Une introduction qui peut dérouter, tant cette plongée en Rome antique semble éloignée du Japon.
Mais Maurice Pinguet maîtrise son sujet. Le directeur de l’Institut franco-japonais de Tokyo puis professeur à l’université de Tokyo entend, avant de plonger dans l’analyse du suicide au Japon, questionner le lecteur sur la notion de suicide telle qu’on la conçoit en Occident, afin de démontrer toute l’ambivalence qui s’y loge également de ce côté-ci de la planète.
Déconstruire le mythe
Caton d’Utique à l’ouverture, Yukio Mishima, célèbre écrivain et dramaturge japonais, à la clôture de l’ouvrage. Un suicide imaginé par son auteur comme l’apothéose d’une vie dédiée à l’éthique samouraï, et comptant parmi les événements marquants de la décennie 1970. Entre ces deux personnages pris en exemple, l’auteur explique que la mort volontaire, qui traverse les époques, recouvre diverses réalités : l’idéal de détachement bouddhiste, l’apogée de la carrière du guerrier, la clé de voûte de la féodalité, une épreuve amoureuse ou encore un acte synonyme de désespoir et de déracinement.
Maurice Pinguet convoque dans cet ouvrage l’anthropologie, les statistiques, la philosophie, la poésie, les textes de lois ou les codes samouraïs, pour livrer une analyse précise et riche de ce que recouvre le suicide au Japon. Avec un regard pointu sur la mort, la religion, le rapport à la famille, à la hiérarchie, au pouvoir ou à l’amour, Maurice Pinguet déconstruit, de manière scientifique, cette idée que l’archipel serait le pays du suicide. Une lecture dense mais fluide et accessible, grâce à la grande maîtrise du sujet par son auteur.
La mort volontaire au Japon (1984), un ouvrage de Maurice Pinguet publié aux éditions Gallimard.
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