L’homme qui a sauvé les iconiques cerisiers japonais de l’extinction

Taihaku at The Grange, 2015 (Courtesy of the author)
Chaque printemps, les fleurs de cerisiers bourgeonnent et les Japonais célèbrent en grande pompe leur vive splendeur. Pourtant, le printemps japonais aurait pu être bien plus morose si un homme anglais, dénommé Collingwood Ingram, n’avait pas sauvé à temps la fleur emblématique du pays. Cette histoire surprenante, et pourtant bien réelle, a inspiré l’autrice Naoko Abe qui, après quatre années de recherche, a publié l’ouvrage ‘Cherry’ Ingram: The Englishman Who Saved Japan’s Blossoms.
“J’habite à Londres depuis 2001 et chéris la floraison des cerisiers dans les parcs anglais car ils signifient la vie, l’espoir et la vigueur. De variétés, couleurs et formes diverses, les arbres de cerisiers fleurissent à différents moments durant deux mois. Au Japon, il y a certes un nombre incalculable de cerisiers, mais bien souvent une variété domine, la Somei-yoshino. Face à ce manque de diversité, j’ai cherché à rencontrer des horticulteurs et ai découvert l’incroyable histoire d’un homme qui a sauvé les cerisiers et a ainsi changé à jamais le visage du printemps”, déclare Naoko Abe. Après maintes interviews avec les descendants de Collingwood Ingram et après s’être documentée dans ses archives personnelles, Naoko Abe relate l’histoire romanesque d’Ingram, ornithologue renommé qui préféra se tourner vers la botanique pour étudier la culture des cerisiers.
Lors de ses nombreux voyages dans l’archipel japonais, Ingram a constaté, atterré, que les cerisiers n’étaient pas épargnés par la course effrénée du Japon qui, en quête de reconnaissance internationale, n’avait pas de scrupule à construire d’immenses tours de béton sur des espaces verts. A dos de cheval, en bateau, en voiture et à pied, il est parti à la recherche de différentes variétés de cerisiers pour les sauvegarder, conscient que la société japonaise laissait dépérir les arbres sans une once de culpabilité. “Quand Ingram s’est rendu au Japon en 1902, 1907 et 1926, il s’est rendu compte que les cerisiers étaient tout bonnement en voie de disparaître, car le pays avait les yeux rivés vers la modernisation et l’industrialisation pour rattraper son retard avec l’Ouest. Ainsi, les cerisiers n’étaient pas une priorité. Ingram a alors décidé de sauver et préserver les différentes variétés chez lui, dans son jardin dans le Kent, au Sud de l’Angleterre”, souligne Naoko Abe.
Au fil de ses pérégrinations, il a rapporté pas moins de 120 variétés de cerisiers qui ont peuplé son jardin, dont de nouvelles variétés obtenues par hybridation artificielle telles que l’arbre Kursar, la fusion d’une variété du Nord et d’une variété du Sud du Japon. Soucieux de rendre au Japon sa splendeur rosée à chaque printemps, Ingram s’est évertué maintes fois à envoyer des boutures jusque dans l’archipel. Après plusieurs tentatives infructueuses, une greffe, nichée dans une pomme de terre, fait le chemin avec succès jusqu’au Japon. Replantée, elle a permis la croissance puis la prolifération des arbres de cerisiers dans l’archipel japonais.
Décédé en 1981 à l’âge de 100 ans, Collingwood Ingram reste surnommé Cherry. Grâce à la détermination d’un seul homme, les Japonais et le monde entier peuvent désormais contempler les cerisiers s’épanouir en toute quiétude et jouir de l’arrivée du printemps.

Kanhi-zakura, described as Prunus campanulata, 1941, and a Sargent cherry leaf, 1939, from Ingram's notebooks

Illustration from Ingram's notebooks, described as Prunus prostrata, 1944

Taihaku : a page from Ingram's notebooks, c. 1927

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