Nobuko Yoshiya, pionnière de la littérature lesbienne japonaise

Le travail de l’écrivaine a fortement influencé la narration des manga “shojo”, destinés à un public essentiellement féminin.

28.12.2020

TexteClémence Leleu

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Seule fille d’une fratrie de cinq enfants, Nobuko Yoshiya attendra ses 19 ans pour se délester peu à peu des normes éducatives et sociétales qui ont gouverné sa vie au coeur du foyer familial. En 1915, la jeune femme quitte la préfecture de Tochigi, au nord de Honshu, pour Tokyo. Celle qui a été élevée par des parents descendants de samurai et selon l’adage « bonne épouse, sage mère », qui innerve les apprentissages des jeunes femmes japonaises à partir de la fin de l’ère Meiji (1868-1912), découvre dans la capitale de nouveaux étendards. 

Elle participe à quelques réunions de Seito, la première revue féministe de l’archipel, et y  rencontre de nombreuses artistes qui marqueront le début de son évolution. Nobuko Yoshiya quitte alors ses jupes et robes pour un style androgyne et adopte la coupe à la garçonne. 

Un an plus tard, elle publie le premier volet de sa série littéraire Hana monogatari, que l’on peut traduire par Le dit de la fleur. 52 contes, écrits entre 1916 et 1924, dans lesquels l’auteure met en scène des amitiés romantiques entre filles. Un style qui deviendra très populaire auprès du lectorat estudiantin féminin. 

 

Naissance des fondamentaux

Cette œuvre pose les bases d’un genre qui sera repris quelques décennies plus tard dans les très populaires manga josei et shojo, comme Sailor Moon, destinés eux aussi aux jeunes femmes. Leur intrigue relève souvent d’amitiés féminines plus ou moins ambigües mais assurément platoniques, ce qui permet à l’auteure d’échapper à la censure. 

Ainsi, Nobuko Yoshiya instille dans Hana monogatari les questions récurrentes d’amour non partagé, de désir caché et de relations entre femmes. Avec pour corollaire, une fin souvent tragique où l’une des héroïnes se donne la mort, quand ce ne sont pas les deux protagonistes qui se suicident pour échapper au mariage avec un homme promis par leur famille. 

Celle qui ne cache pas sa relation avec une professeure, qui durera près de 50 ans, dans un Japon resté farouchement conservateur sur les questions des droits homosexuels, publie un deuxième titre lui aussi très remarqué : Yaneura no nishojo (Deux vierges dans le grenier), en 1919, que la critique considérera comme fortement autobiographique. Il s’agit d’une histoire d’amour entre deux femmes colocataires, qui finiront par s’installer ensemble, en couple, dans un appartement commun. Ces personnages féminins affirmés clament n’avoir nullement besoin d’une autorité masculine dans leur vie. 

Après ce titre, Nobuko Yoshiya délaissera peu à peu le thème des amours homosexuelles pour se tourner vers celui des mères au foyer au mariage malheureux. Décédée en 1973, l’auteure a légué la maison qu’elle occupait, et dont elle avait dessiné les plans avec sa compagne Monma Chiyo, à la ville de Kamakura, à quelques encablures de Tokyo. Celle-ci est désormais un musée dédié à l’artiste, où l’on peut découvrir son oeuvre, mais aussi les différentes actions qu’elle a mené dans cette station balnéaire en faveur de la culture et de l’éducation des femmes. 

 

Pour en savoir plus sur l’oeuvre de Nobuko Yoshiya, il est possible de visiter le musée qui lui est dédié à Kamakura, le Nobuko Yoshiya Memorial.

Adresse : 1-3-6 Hase Kamakura, 248-0016, Japon

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