Quand Nikko inspirait Paul Claudel

Cette ville au nord de Tokyo abritait la résidence de villégiature du personnel diplomatique français, où s'est souvent rendu l'ambassadeur.

18.02.2022

TexteClémence Leleu

Paul Claudel en 1926 tenant une marionnette de “bunraku” © Indivision Paul Claudel

« Cette secrète parenté par qui la noirceur de ce pin épouse là-bas la claire verdure de ces érables ». Voilà quelques-uns des mots que l’on peut lire dans l’ouvrage Connaissance de l’Est, recueil de poèmes écrits essentiellement en Chine et publié par Paul Claudel en 1900. Sauf que ces strophes sont en réalité un vestige pour initiés du souvenir d’une balade dans la nature nippone.

Quelques années plus tôt, en 1898, le poète, essayiste et dramaturge français pose pour la première fois le pied au Japon. Après avoir déambulé dans les rues de Tokyo et Kyoto, Paul Claudel s’échappe vers des contrées plus rurales. Direction la préfecture de Tochigi, région montagneuse à quelques encablures au nord de la capitale. Il l’arpente pendant une poignée de jours, notamment dans la portion de nature reliant Nikko au lac Chuzenji. 

 

« Le plus beau paysage que l’on puisse imaginer »

Ce lac, perché à 1200 mètres d’altitude, dans lequel se reflète la silhouette du volcan Nantai, très proche de celle du mont Fuji, sera, même s’il ne le sait pas encore, un des décors de travail artistique les plus appréciés de Paul Claudel. Nommé ambassadeur de France au Japon entre 1921 et 1927, il rejoindra très souvent ce paysage bucolique puisqu’y est implantée, depuis 1909 et son acquisition par l’État français, la résidence de villégiature des personnels diplomatiques. Un havre de paix qui se découvre au regard après avoir serpenté de longues minutes au cœur d’une forêt d’érables, de sapins et de bambous. 

« Je suis en ce moment à Chuzenji, d’où je suis descendu que pour une nuit, dans le plus beau paysage que l’on puisse imaginer, au bord d’un lac bleu entouré de montagnes et de forêts, et au pied d’un beau volcan dont les lignes sont à peu près celle du Fuji », racontait Paul Claudel à son ami Darius Milhaud, compositeur de musique classique.

 

Retranscrire la campagne japonaise par écrit

Avant de poursuivre, « j’habite une adorable maison japonaise, on n’a qu’à tirer les panneaux de papier et l’on est entièrement mélangé à la forêt, au ciel, à la nature. La vie est belle et j’oublie tout à fait ce Paris où je désire ne pas revenir de sitôt. » Le diplomate réside alors dans une maison d’un étage, désormais baptisée « Villa Paul Claudel », en bois de pin avec de larges baies vitrées en bandeau qui courent tout au long de la façade, laissant à l’habitant l’impression d’être en communion parfaite avec la nature environnante et le passage des saisons.

C’est ici qu’il écrit en partie son ouvrage Le soulier de satin mais aussi d’autres textes inspirés de son immersion dans la ruralité japonaise et de ce qu’il découvre de cette région où le lac fait office de miroir de la nature environnante, dont l’on retrouve des mentions dans le recueil L’oiseau noir dans le soleil levant. Paul Claudel se plonge une dernière fois dans ce paysage avant de quitter l’archipel en janvier 1927, comme le mentionne Michel Wasserman dans l’essai D’or et de neige, Paul Claudel et le Japon. L’auteur a pu consulter les journaux du poète diplomate, qu’il cite : « Chuzenji. Dernier regard. Le Nantai d’une délicieuse couleur isabelle et terre brûlée. »

 

D’or et de neige, Paul Claudel et le Japon (2008), un essai de Michel Wasserman publié dans Les Cahiers De La Nrf du 10 avril 2008, édités par Gallimard.

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“Portait de Paul Claudel”, 1919, par Jacques-Emile Blanche © Wikicommons