La France met le design d’intérieur à l’honneur à l’Exposition universelle d’Osaka 2025
Pour la première fois depuis cinquante ans, du mobilier a été spécifiquement dessiné pour habiller le pavillon français.

Projection du salon des partenaires au sein du Pavillon France lors de l’Exposition universelle d’Osaka 2025, aménagé par José Lévy.
Lors de la première exposition universelle au Japon à Osaka en 1970, la France avait commissionné le célèbre architecte d’intérieur Pierre Paulin pour aménager son pavillon d’honneur. Il était déjà connu pour ses créations organiques colorées tout en rondeurs, dont le fauteuil Mushroom (1960), une des premières assises entièrement tapissées de tissu extensible. Une technique que Pierre Paulin réemploie pour couvrir la banquette Amphys, pièce maîtresse du pavillon français à Osaka. Ce canapé de forme courbe, modulaire, se compose de trois bandes de mousse aux couleurs du drapeau français, dont une légèrement surélevée qui tient lieu de dossier. Son audace et son adaptabilité ont fait date dans l’histoire du design.
Depuis, la France n’avait plus commissionné d’architecte d’intérieur pour concevoir un mobilier exclusif lors de ses participations aux expositions universelles. Mais pour Osaka 2025, le Mobilier national, organe public en charge de la gestion du mobilier de l’État ainsi que de sa conception, a décidé de renouer avec cette tradition. La réalisation d’une assise et d’une table a ainsi été confiée à Jean-Baptiste Fastrez, nommé par la Villa Noailles (un centre d’art spécialisé en architecture, design, mode et photographie). Pour ces pièces éditées par Tectona, une marque de mobilier d’extérieur d’exception, le jeune designer doit composer avec de courts délais de production. « J’ai eu pour défi de produire quelque chose d’innovant sans faire appel à de nouvelles techniques. Très vite, j’ai décidé d’opter pour une construction en bois et tubes de métal et de me concentrer sur le dessin ».
Un clin d’oeil aux grenouilles, symbole français et protectrices japonaises
Le mobilier étant destiné à la partie restauration du pavillon, Jean-Baptiste Fastrez choisit de réinterpréter la chaise bistrot en piochant dans l’imagerie de la Sécession viennoise et en rendant hommage à la chaise de Robert Mallet Stevens, architecte de la Villa Noailles. Mais le dossier de la chaise prend une tournure facétieuse. Ses boucles à la Thonet forment comme une tête de grenouille, un animal associé aux Français, renommés « Froggies » par les Anglais du fait de leur appétit pour les cuisses de grenouille. Incidemment, Jean-Baptiste Fastrez découvre que le batracien est l’animal totem des explorateurs dans la tradition japonaise, du fait de l’homonymie entre son nom, kaeru, et le verbe signifiant « rentrer chez soi ». « J’ai vu sur des estampes japonaises que les voyageurs portaient souvent des amulettes en forme de grenouille. Je me suis donc dit que je créais d’une certaine façon les amulettes du pavillon français », explique le designer qui aime suggérer des formes animales dans ses créations comme lors de son exposition Vivarium à la Galerie kreo en 2019.
Au-delà de l’Exposition universelle d’Osaka 2025, le mobilier dessiné par Jean-Baptiste Fastrez sera réemployé par le Mobilier national pour meubler d’autres lieux de représentation de la France. L’établissement manquait jusqu’à présent de mobilier extérieur. Pour le designer de la ligne Osaka 25, il était important que ses pièces puissent fonctionner autant à l’intérieur qu’en extérieur. C’est pourquoi il a choisi d’associer du bois au métal pour un côté plus domestique. Plutôt que de garder le matériau au naturel, les lattes ont été lasurées avant d’être recouvertes de plusieurs couches transparentes leur accordant une teinte plus foncée sans effacer le veinage du bois. Chaque pièce existe en plusieurs couleurs dont vert grenouille. Pour Osaka 2025, c’est le noir qui a été retenu afin de mieux se marier à l’aménagement intérieur imaginé par José Lévy, le directeur de la création des espaces de réception du pavillon français. Suivant le thème de l’Hymne à l’amour, choisi pour représenter la France, ce dernier a décidé de célébrer l’admiration et le respect réciproques entre son pays et le Japon à travers des créations qui empruntent aux deux cultures. « J’aime beaucoup la porosité entre le Japon et la France », affirme-t-il.
Une célébration des patrimoines français et japonais
José Lévy lui-même est un artiste pluridisciplinaire amoureux du Japon. Dès l’enfance, il est au contact des œuvres d’art que ses grands-parents, fournisseurs officiels de tatamis pour les Jeux Olympiques, ramènent de l’archipel. Plus tard, un séjour à la Villa Kujoyama lui permettra de réinventer par le design le souvenir des objets vus dans la collection familiale. Des masques de nô deviennent alors des assises de tatami désossé et un samouraï est transformé en nebuta. Par la suite, une collaboration avec le fabricant de matériau japonais Daiken lui inspire la ligne Moving Tatami avec deux bancs en laque à l’assise faite d’un papier ayant l’allure de la paille sans en avoir les inconvénients liés à l’entretien, à l’odeur ou à la décoloration. Ces bancs à l’allure de méridiennes qui invitent à la détente se retrouvent dans le salon protocolaire du pavillon français. Dans cet espace destiné aux réceptions de haut niveau figurent aussi des pièces sublimes dont un paravent du duo de créateurs Garnier et Linker, réalisé en laque et feuilles d’argent par la maison d’art japonaise Kouseido. En hommage à Pierre Paulin, ses fauteuils et canapés Andy y font aussi une apparition. « Ce que j’aime dans ces pièces de Pierre Paulin, c’est qu’elles sont légèrement basses et évoquent une certaine idée du Japon », détaille le curateur.
Le lien avec le patrimoine se poursuit dans le salon des partenaires, pièce maîtresse du pavillon français. Dans cette salle les murs paraissent tapissés d’or grâce à la fresque onirique de la créatrice Stella Cadente. C’est dans cet écrin que José Lévy a disposé une autre réalisation exclusive à Osaka 2025. À partir de plans conservés par le Mobilier national, il a développé du mobilier inédit de Joseph-André Motte, un architecte d’intérieur renommé à l’origine entre autres de l’aménagement des stations du métro parisien dont il a créé les sièges iconiques. Dans ce cadre intimiste propice aux rencontres et échanges, ses assises de forme géométrique au caractère modulable peuvent se positionner en longueur ou en îlot, comme en écho à celle dessinée par Pierre Paulin pour Osaka 1970, et s’accompagnent de tables d’appoint. Réalisées par Duvivier Canapés, les assises ont été légèrement surélevées avec un socle en métal polymiroir doré pour ajuster leur hauteur aux usages contemporains, le tout avec l’accord des ayant-droits de Joseph-André Motte. Elles sont tapissées dans des teintes de cuir boisées par l’éditeur Lelièvre, en harmonie avec l’opulence du salon.
L’aménagement intérieur des espaces de réception du pavillon a été conçu par José Lévy avec autant de rigueur que de fantaisie. Trois chaises éditées par la maison Sokoa représenteront ainsi le trio amoureux, fil rouge du bâtiment français. Une portera les couleurs de la France, une autre celles du Japon et une dernière sera entièrement rouge aux couleurs de l’amour. Elles seront disséminées un peu partout dans l’espace, telles un clin d’œil parmi le faste. Car le Pavillon France, en offrant un voyage en pays d’amour, cherche à susciter des émotions. Et José Lévy a à cœur de provoquer des sourires.
L’Exposition universelle Osaka 2025 aura lieu du 13 avril au 13 octobre 2025. Plus d’informations sur son site officiel.

Banquette “Amphys” conçue par Pierre Paulin pour le pavillon français de l’Exposition universelle d’Osaka 1970, sur commande du Mobilier national. Photographie © Isabelle Bideau

Chaise “Osaka 25” conçue par Jean-Baptiste Fastrez et éditée par Tectona pour le pavillon français lors de l’Exposition universelle d’Osaka 2025. Son dossier évoque une grenouille. © Nathan Cussol

Chaise et table “Osaka 25” dessinées par Jean-Baptiste Fastrez pour la maison Tectona, en tubes de métal et bois. © Nathan Cussol

Projection du “Bistrot”, l’espace de restauration du Pavillon France lors de l’Exposition universelle d’Osaka 2025 aménagé par José Lévy. Les chaises et tables “Osaka 25” dessinées par Jean-Baptiste Fastrez en sont les pièces maîtresses.

Le salon protocolaire du Pavillon France, aménagé par José Lévy. Sur la gauche, son banc “Moving Tatami” cotoie les sièges “Andy” de Pierre Paulin à droite.

Le salon des partenaires du Pavillon France, aménagé par José Lévy. Au centre, les assises de Joseph-André Motte éditées pour l’occasion. A droite, un paravent du duo Garnier et Linker réalisé en feuilles d’or en collaboration avec la maison Kouseido.

Le trio amoureux, des chaises éditées par Sokoa aux couleurs de la France, du Japon et de l’amour, à gauche. Au sein du bureau protocolaire aménagé pour le Pavillon France par José Lévy.

José Lévy, le directeur de la création des espaces réception du Pavillon France à l’Exposition universelle d’Osaka 2025.
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