L’art de vivre de Shinichiro Ogata

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il faut, pour tenter de percer le mystère du designer et restaurateur Shinichiro Ogata, s’intéresser au thé. Chez Ogata-san, tout commence, se développe et finit avec le thé, dont l’univers permet de révéler, de manière contemporaine, une pratique ancestrale ancrée en Extrême-Orient. Un univers où règne la voie du saho, cet ensemble de règles esthétiques et protocolaires qui tisse, tout comme la philosophie du créateur, un lien entre les cinq piliers de l’art de vivre japonais : le thé, la cuisine, l’artisanat, l’hospitalité et la culture.
Celui dont le nom et les créations sont partout au Japon, s’envisage comme un passeur de savoir-faire, faisant le lien entre le passé et l’avenir. “Je produis un design actuel ancré sur des techniques de production assurées, héritées de l’artisanat traditionnel”, confie celui qui vient d’ouvrir, en ce début d’année 2020, son premier bateau amiral hors de l’archipel. Ogata Paris, un hôtel particulier au coeur du 3e arrondissement de Paris où infuse toute la philosophie du maître nippon, sur plus de 800 mètres carré.
Puiser dans l'ancien pour innover

Une nouvelle adresse pour celui qui multiplie les projets depuis plus de trente ans. Shinichiro Ogata naît et grandit dans la sauvage et préservée île de Kyushu. Mais la préfecture de Nagasaki devient rapidement trop petite pour celui qui veut aller éprouver les limites du monde. Il rêve alors de la capitale, Tokyo, où il se verrait bien à la tête d’un restaurant. Un projet qui restera inachevé, les prétentions familiales étant plus académiques que ne le souhaiterait le jeune homme. Il entre alors à l’université puis rejoint une agence d’architecture une fois diplômé. L’appel de l’ailleurs est pourtant toujours là et le designer s’envole pour New York, où il retournera à de nombreuses reprises. Arrive ensuite Paris, dont il foulera le sol pour la première fois dans les années 90, et où il s’est établi depuis 2017. Ces voyages, s’ils aiguisent son esprit, font naître en lui un autre constat : sa richesse est dans cet archipel du Pacifique où il est né et qui l’a vu grandir.
Retour au Japon donc, où Shinichiro Ogata se ressource dans l’ancien pour innover avec un nouveau leitmotiv, “créer japonais, au Japon”. Son premier terrain d’expression sera la cuisine, qu’il juge comme premier vecteur culturel. Il ouvre Higashi-Yama, à Tokyo en 1998, où se mêlent déjà gastronomie, artisanat et art du thé. La même année, il fonde Simplicity, son studio de création, grâce auquel il réalise de nombreux projets, de la restauration à l’hôtellerie en passant par le design d’intérieur ou de produit. Le succès est au rendez-vous et le nom d’Ogata est désormais sur toutes les lèvres, le hissant parmi les principaux représentants du design nippon contemporain.
Une philosophie en guise de marque de fabrique

Celui qui se dit très inspiré par Charlotte Perriand ou Le Corbusier, signe, entre autres, une collection de vaisselle en fibre de bambou, qui remporte de nombreux prix à l’international. Qu’il officie en tant que designer ou architecte, il distille çà et là ce qui fait aujourd’hui sa marque de fabrique : une esthétique contemporaine infusée de subtiles références à la culture japonaise. Une patte que l’on retrouve par exemple dans le restaurant Yakumo Saryo, les salons de thé Higashiya et Sakurai Japanese Tea Experience ou encore des boutiques comme celles de la marque Aesop.
Avec Ogata Paris, cet écrin qui regroupe un bar-restaurant, un salon de thé, un atelier avec plus de 200 références d’objets épurés, et bientôt un espace d’exposition, Shinichiro Ogata repousse une dernière frontière. Celle de l’international, où résonne désormais son nom, hors des sphères initiées du monde du design japonais.



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