Takamasa Yoshizaka, pilier de l’architecture moderne japonaise

Disciple de Le Corbusier, il a théorisé « l'unité discontinue », la façon dont les lois naturelles influencent l'environnement de vie humain.

12.12.2022

TexteHenri Robert

Inter-University Seminar House, 1965 (Photographie de Eiji Kitada, 1997).

« Je crois que l’architecture est l’une des clés permettant aux individus de bien se comprendre. » Cette formule prononcée par Takamasa Yoshizaka illustre la place qu’occupe la discipline dans sa vision du monde.

Du 19 mars au 22 juin 2022 une exposition lui est consacrée au Museum of Contemporary Art Tokyo. À cette occasion, les différentes théories et interdépendances qui guident son travail sont abordées : celles entre l’homme et son habitat, l’environnement et la forme, la théorie du shuju (soit la vie en communauté et son articulation) et la théorie du déplacement.

Fils de diplomate japonais, Takamasa Yoshizaka (1917-1980) parcourt l’Europe dans sa jeunesse et, grâce à une bourse du gouvernement français, a l’opportunité d’étudier l’architecture en France. Il travaille aux côtés de Le Corbusier de 1950 à 1952 ; une expérience déterminante pour la suite de sa carrière. Deux rencontres marquent également sa pensée : celle avec Taro Ura, diplômé en mathématiques et celle de l’architecte et designer Kon Wajiro, connu comme le fondateur de la « Modernologie ».

 

Le lien entre l’humain, le lieu et le matériau

Les réalisations de Takamasa Yoshizaka sont basées sur l’utilisation de pilotis massifs, à la manière du travail d’autres architectes de l’époque tels que Le Corbusier et ses Unités d’Habitation. Mais Takamasa Yoshizaka innove en plaçant une seule colonne par côté et les place loin des coins, comme l’illustre la maison Ura qu’il réalise en 1956, note le spécialiste John Barr. Fasciné par l’architecture mongole, Takamasa Yoshizaka  place au centre de son travail un concept qu’il intitule « l’unité discontinue ». Comme le développe l’auteur Hiroki Onobayashi dans A Profile of the Versatile Takamasa Yoshizaka (1966), ce concept implique d’étudier les lois naturelles, l’autonomie et l’individualité des systèmes et la construction de toute la nature, y compris le cosmos, et de découvrir les règles et relations entre ces choses, l’humanité, et l’environnement de vie humain. Cette doctrine s’applique notamment à travers l’utilisation de l’argile.

Comme le note un autre architecte, James Lambiasi, « Yoshizaka a utilisé la technologie et le vocabulaire architectural de Le Corbusier, mais il a redéfini l’utilisation du béton en se concentrant sur la communauté et les relations humaines. Alors que les formes sculpturales de Le Corbusier conservaient davantage une formalité artistique, l’esthétique développée par Yoshizaka semble fondre les formes en douceur, s’en remettant au mouvement des personnes pour expliquer leur forme. »

Parmi ses réalisations iconiques, citons le pavillon japonais de la Biennale de Venise (1956), l’Hôtel de ville de Gotsu (1961), le centre culturel Athénée français à Tokyo (1962) ou l’Inter-university Seminar House (1965). À son actif également, la traduction des œuvres complètes de Le Corbusier et la publication de textes sur le système Modulor.

 

Panorama World: from life-size to the Earth (2022), une exposition au Museum of Contemporary Art Tokyo qui a eu lieu du 19 mars au 22 juin 2022.

YOSHIZAKA Takamasa, avec l'aimable autorisation de Arukitekuto.

YOSHIZAKA House, 1955 (Photographie de Eiji Kitada, 1982).

Hôtel de ville de Gotsu, 1962 (Photographie de Eiji Kitada, 1994).

Pavillon japonais, Biennale de Venise, 1956 (Photographie de Eiji Kitada, 1997).