De ma cuisine à la vôtre, Ian Wheatley
Dans son restaurant de ramen Monohon, le chef recrée le goût authentique de ces nouilles grâce à de la farine de blé japonaise.
Shoyu Tonkotsu Ramen - Monohon
Monohon, à Londres, est un ramen-ya pur sucre. Les clients prennent place au comptoir pour déguster leur bol de nouilles fumant en contemplant l’équipe à l’œuvre en cuisine. Et le plus important : le fondateur Ian Wheatley a créé lui-même la recette des bouillons, des tare (assaisonnements qui forment la base du ramen, un shoyu ramen par exemple est à base de sauce soja) et des nouilles confectionnées au sein du restaurant.
Son parcours n’a pas été une évidence. Arrivé à Osaka au milieu des années 1990 pour y enseigner l’anglais, Ian Wheatley ne prend pas immédiatement goût à la cuisine japonaise. Les saveurs subtiles du tofu et même des sushi lui échappent. Il a pourtant une révélation au bout de plusieurs mois après avoir goûté à l’okonomiyaki, une galette qui lui rappelle le bubble and squeak de sa terre natale.
Le goût d’une cuisine conviviale
Dès lors, le Britannique découvre les B-kyu Gourmet restaurants, ou restaurants de milieu de gamme, et s’entiche de la culture des yokocho, ces petites allées aux innombrables izakaya. Des petites échoppes familiales, parfois minuscules, à des années lumières de la haute gastronomie japonaise et de la rigueur des restaurants kaiseki, qui lui plaisent par leur convivialité. C’est à l’issue de longues soirées passées dans les izakaya que Ian Wheatley s’initie au shime-ramen, ce bol de nouilles dégusté comme dernier repas en clôture d’une nuit d’ivresse.
De retour à Londres et après bien des années en entreprise, il décide de se lancer dans l’aventure des ramen, dont l’offre de restaurants est alors très réduite en Angleterre. Après une formation au Japon dans une école spécialisée dans le bouillon de ramen et dans une autre où il apprend à façonner des nouilles, Ian Wheatley élabore la formule de ses bouillons et tare depuis son appartement londonien. Il y a installé une machine à nouilles de 300 kilos et fait goûter chaque vendredi soir aux collègues de son épouse japonaise les fruits de son expérimentation. Au bout de quelques mois, il parvient à obtenir un bouillon et un tare satisfaisants.
Des produits japonais irremplaçables
Pour cela, il importe des produits japonais. La sauce soja est pour lui un élément incontournable puisqu’essentiel au tare. « La sauce soja japonaise, son goût, est incomparable », explique Ian Wheatley. « Celles produites ailleurs n’ont pas la complexité, l’arôme et la saveur umami de la sauce soja japonaise ».
La farine japonaise a aussi les faveurs du restaurateur. Lors de son apprentissage de la confection des nouilles au Japon, il réalise que les variétés de blé destinées aux ramen ont un profil unique, inconnu hors du marché asiatique. Il est, pour lui, important de retrouver la même texture que les nouilles japonaises et il décide donc d’importer la farine de blé utilisée dans son restaurant. A celle-ci s’ajoute du kansui, du sel alcalin aussi originaire du Japon, un additif qui permet de différencier les ramen des autres types de nouilles.
S’il est désormais aisé de trouver de nombreux ingrédients japonais manufacturés hors de l’archipel, Ian Wheatley considère que certains produits ne satisfont aux exigences de sa cuisine que s’ils proviennent du pays. « La pâte miso est l’un de ces ingrédients que nous faisons venir du Japon » pousuit Ian Wheatley. « Là-bas, il y a une incroyable variété de styles et de saveurs, de subtilités et de forces en ce qui concerne le miso. Nous nous adressons donc à des intermédiaires pour obtenir les variétés dont on a besoin ».
Un menu original aux plats peu répandus
Pendant une année, Ian Wheatley sert ses ramen lors d’évènements sous forme de pop-ups. Puis en 2016, il ouvre enfin Monohon. Le menu ne comporte au début qu’un seul plat, abura soba, un ramen sans soupe alors inédit en Angleterre. « Beaucoup de gens me disaient “ce n’est pas un ramen !” », se souvient le restaurateur. « Il a fallu éduquer le consommateur aux différents types de ramen ». Au fil des mois, d’autres plats rejoignent le menu comme le classique shoyu tonkotsu ramen et d’autres versions plus rares comme le mentaiko ramen, une spécialité de la région de Kyushu où les œufs de colin sont très appréciés. A chaque fois, Ian Wheatley passe plusieurs mois à élaborer le tare qui assaisonnera ces nouveaux venus.
Monohon ne se distingue pas uniquement par ses ingrédients provenant du Japon. Ian Wheatley tenait à offrir une expérience authentique à ses clients (monohon est le verlan de honmono qui signifie « vrai de vrai » en japonais). Il a donc porté une attention toute particulière aux détails qui font toute la différence.
Ses visiteurs sont ainsi toujours surpris par les pintes de bière servies au restaurant. Ian Wheatley a choisi des verres épais et lourds, qui rappellent les jokki japonais, et les conserve au congélateur afin qu’ils arrivent au client agréablement couverts de givre. La bière est ensuite servie à la japonaise avec une épaisse mousse (awa) qu’un représentant d’une brasserie nippone est venu enseigner à l’équipe du restaurant. De quoi transporter immédiatement dans un ramen-ya japonais.
En exclusivité pour Pen, Ian Wheatley a accepté de partager la recette du hiyashi chuka goma tare, un ramen estival à la sauce sésame dégusté frais et sans soupe.
Ingrédients
130g de nouilles ramen japonaises
5 tomates cerises tranchées en deux
75g de jambon blanc, débité en lamelles
50g de lamelles de kinshi tamago
1 Ajitsuke tamago
50g de concombre tranché
Kizami nori (feuilles d’algues nori émincées)
Beni shoga (gingembre rouge mariné)
Karashi (moutarde japonaise)
Pour obtenir du kinshi tamago
Mélanger une cuillère à soupe de sucre et une cuillère à soupe de saké de cuisine japonais à deux œufs et fouetter. Cuire comme une omelette avant de la découper en fines lamelles.
Pour obtenir un ajitsuke tamago
Faire bouillir un œuf pendant 6mn30 avant de le plonger dans de l’eau froide pendant 10mn. L’écaler puis le tremper dans un mélange de sauce soja, saké de cuisine, eau et sucre pendant une heure.
Pour une portion large ou deux petites portions de sauce Hiyashi chuka goma dare (sauce sésame)
Bien mélanger 25ml de sauce soja, 25g de neri goma (de la pâte de sésame blanc ou du tahini, en alternative), 30ml de vinaigre de riz, 30 ml d’eau, 10ml de goma yu (huile de sésame japonaise ou équivalent) et du ra-yu (huile de sésame épicée) au goût.
Préparation
Cuire les nouilles jusqu’à ce qu’elles ramollissent un peu ou soient un peu trop cuites (1 à 3 mn selon l’épaisseur des nouilles). Rincer les nouilles dans beaucoup d’eau froide pour enlever tout l’amidon et les rendre fermes à nouveau.
Les placer sur un plat et y ajouter les garnitures. Libre à chacun de faire varier la quantité de chaque garniture à son goût.
Arroser de sauce et ajouter une cuillère à café de karashi sur le côté avant de déguster.
Le conseil de Ian : c’est aussi délicieux avec des graines de sésame blanc fraîchement toastées et hachées.
Plus d’informations sur Monohon sur le site internet du restaurant et sur la plateforme Taste of Japan.
Adresse : 102 Old Street, London EC1V 9AY
Hiyashi Chuka - Monohon
Abura Soba - Monohon
Mentaiko Cream Ramen - Monohon
Spicy Miso Sansho Ramen - Monohon
Ian Wheatley - Monohon
Monohon
Monohon
LES PLUS POPULAIRES
-
“Les herbes sauvages”, célébrer la nature en cuisine
Dans ce livre, le chef étoilé Hisao Nakahigashi revient sur ses souvenirs d’enfance, ses réflexions sur l’art de la cuisine et ses recettes.
-
Shunga, un art érotique admiré puis prohibé
Éminemment inventives, se distinguant par une sexualité libérée, ces estampes de la période Edo saisissent des moments d'intimité sur le vif.
-
Le périple enneigé d’un enfant parti retrouver son père
Le film muet “Takara, la nuit où j'ai nagé” suit un jeune garçon sur la route, seul dans un monde d'adultes qu'il a du mal à appréhender.
-
L'homme qui construisait des maisons dans les arbres
Takashi Kobayashi conçoit des cabanes aux formes multiples adaptées à leur environnement et avec un impact limité sur la nature.
-
Les illustrations calligraphiques d'Iñigo Gutierrez
Inspiré du “shodo”, la calligraphie japonaise, l'artiste espagnol établi à Tokyo retranscrit une certaine nostalgie au travers de ses oeuvres.