Derek Wilcox : le shokunin américain

25.04.2019

TexteAiste Miseviciute

©Aiste Miseviciute

Derek Wilcox, chef au Shoji at 69 Leonard à New York, est l’un des rares maîtres sushis non-Japonais à avoir atteint un niveau comparable aux meilleurs exerçants au Japon. Si être un shokunin est une question d’état d’esprit, Derek Wilcox remplit indéniablement les critères. Comme l’écrit Matt Goulding, collaborateur d’Anthony Bourdain, dans son livre Rice, Noodle, Fish : « Le Japon est le pays d’un million de shokunin, artisans dévoués qui bénissent ce pays dans leur quête silencieuse de perfection. » Si shokunin signifie « artisan » en japonais, le sens de ce terme est beaucoup plus profond. C’est une philosophie de vie, une quête infinie de perfection et une volonté inépuisable de progrès.

Le chef Derek Wilcox est né dans le nord de l’État de New York mais a grandi en Virginie. Avant de s’installer au Japon, après avoir achevé sa formation de cuisinier, il travaille dans des usines, des entrepôts et même dans une boulangerie de bagels. Ce parcours singulier pour un étranger l’amène à perfectionner sa pratique dans le légendaire restaurant kaiseki de Kyoto, Kikunoi, et au Sushi Aoki de Ginza. « Visiter le Japon est génial, vous êtes traité comme un invité partout où vous allez », souligne Derek. « Cependant, travailler au Japon est différent, vous êtes censé adhérer à certaines coutumes et vous intégrer dans une hiérarchie sociale. L’aspect positif est que si vous respectez les règles, vous êtes traité en égal. »

Depuis son retour aux États-Unis il y a deux ans et après avoir rejoint Shoji at 69 Leonard, le chef Wilcox a su garder l’éthique de travail japonaise et la mentalité shokunin. Sa parfaite connaissance des deux cultures est déterminante. « Le Japon et les États-Unis ont des cultures basées sur le travail et la performance. Mais la culture de travail japonaise est davantage axée sur le travail d’équipe et le savoir-faire, tandis que la culture de travail américaine est basée sur l’efficacité et la fierté individuelle », juge Derek.

Mais pour Derek Wilcox, peu importe la cuisine dans laquelle vous travaillez. L’exigence dans la recherche d’ingrédients de qualité et dans la préparation, avec savoir-faire et sensibilité, est la clé de l’excellence. « Le sushi est unique dans la mesure où vous utilisez une grande variété de fruits de mer sauvages, qui changent tous les jours en fonction de la météo, des conditions de l’océan, et du cycle de vie naturel des fruits de mer. Vous devez donc apprendre à ajuster la préparation. »

Interrogé sur la différence entre les produits de la mer proposés au Japon et aux États-Unis, Derek juge les produits américains aussi bons voire parfois meilleurs que ceux trouvés au Japon. Mais, aux États-Unis, le plus gros défi est le transport depuis la mer et le bateau jusqu’à la porte du restaurant. De plus, il n’y a pas de culture populaire de préparation des fruits de mer pour le sushi aux États-Unis, « on doit donc tout comprendre soi-même en se basant sur son expérience avec des fruits de mer similaires au Japon. C’est un vrai challenge, et c’est donc vraiment plus facile de tout importer du Japon. » Mais, souhaitant adopter une démarche responsable, il travaille autant que possible avec des ingrédients locaux.

Ainsi, si la qualité des plats servis au Shoji at 69 Leonard est au niveau de ce que l’on propose dans les meilleures institutions japonaises, de nombreux fruits de mer utilisés proviennent pourtant des États-Unis. « Je pense que Shoji est unique parmi les restaurants japonais de New York. Nous respectons les normes les plus élevées en matière de qualité, de préparation et de service, sans tricher. Tout ce que nous faisons dépend de cela », explique Derek Wilcox. Un shokunin, au vrai sens du terme.

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Shoji at 69 Leonard Street

69 Leonard St, New York

NY 10013, USA

Tel. +1 212-404-4600

www.69leonardstreet.com/