Joël Robuchon, le plus japonais des cuisiniers français
©Gerard Bedeau GTV PRODUCTIONS
De Ginza à Roppongi, le patronyme du plus japonais des cuisiniers français s’affiche à de nombreux endroits de la capitale japonaise. Trois restaurants, mais aussi dix établissements aussi variés que des boulangeries, des cafés ou des boutiques, l’empire japonais de Joël Robuchon est vaste. Un empire que le chef d’origine poitevine a bâti au fil des années, au fur et à mesure que se tissait sa relation avec l’archipel nippon. Des liens forts et durables, dont peu de chefs de l’hexagone, hormis Paul Bocuse, peuvent se vanter.
C’est en 1976 que tout se joue. Une première visite qui prend des airs de coup de foudre, alors qu’il vient tout juste d’être nommé meilleur ouvrier de France. Il donne alors des dîners de démonstration et officie dans les cuisines du restaurant La Belle Epoque à Tokyo, où les plats sont garnis d’épices et de condiments interdits sur le sol japonais. Robuchon les fait passer bien cachés dans ses bagages, tel un contrebandier.
Château Restaurant, première adresse de Joël Robuchon au Japon
Une histoire d’amour depuis 1978
Le jeune chef décroche sa première étoile en 1978, au sein des cuisines de l’hôtel japonais Nikko à Paris, avant d’ouvrir son premier restaurant parisien trois ans plus tard. Ce n’est qu’en 1989 que celui qui vient tout juste d’être nommé “cuisinier du siècle” par Gault et Millau, ouvre sa première adresse au Japon, Château Restaurant, un écrin qui renferme deux établissements Le restaurant et La table. Installés au sein de cette bâtisse au coeur du quartier d’Ebisu, ils proposent aux fins palais une cuisine française d’excellence, préparée par une brigade de cuisiniers japonais, formés aux subtiles mariages culinaires de Robuchon. C’est ici que le chef décrochera ses trois premières étoiles en Asie.
Mais sa plus belle réussite est sans doute l’ouverture à Tokyo du premier Atelier Joël Robuchon en 2003. Une cuisine ouverte sur un comptoir où s’attablent les clients, non sans rappeler les restaurants de sushis de l’archipel, où l’on peut admirer les gestes sûrs des cuisiniers en attendant son plat. Un concept que le chef français déclinera ensuite à l’envi : Paris, New York, Hong Kong, Londres ou encore Bangkok.
Des valeurs partagées
Une histoire d’amour franco-japonaise qui dure donc, sans doute grâce à l’amour du chef pour la rigueur et les valeurs chères aux habitants de l’archipel, comme il le confiait en 2015 au magazine Atabula : “J’adore le Japon et ses valeurs de respect, de régularité dans le travail, et la rigueur. Rigueur d’ailleurs que l’on me reproche parfois… Pour durer au Japon, il faut avoir cette rigueur et ce respect infini du client. Je me reconnais parfaitement dans ces valeurs-là.”
Les liens ténus entre le Japon et Joël Robuchon ne se limitent pas à l’ouverture d’adresses dans l’archipel. La cuisine du chef met l’accent sur le travail du produit et sur le respect de la saisonnalité, deux des valeurs principales de la cuisine nippone et l’intégralité des tables de ses restaurants français met à l’honneur la vaisselle japonaise.
Enfin, ultime preuve s’il en fallait une de l’importance du chef multi-étoilé pour les Japonais : en mai 2018, quelques mois avant le décès de Joël Robuchon, Hiroshi Sakurai, patron de Dassaï, une société de production de sakés, a souhaité confier au chef la création et la cuisine d’un restaurant à Paris. Un établissement où les plats français et japonais sont élaborés pour se marier à merveille avec les sakés maison à la carte.
L'Atelier de Joël Robuchon à Tokyo
La Table, un des deux restaurants du Château Restaurant
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