Une usine japonaise de bonite séchée au coeur de la Bretagne

À Concarneau, l’usine japonaise Makurazaki produit de la bonite séchée ou katsuobushi, ingrédient de base de la cuisine japonaise traditionnelle.

16.09.2019

TexteClémence Leleu

©Makurazaki France Katsuobushi

Si Concarneau, petit joyau situé au coeur du Finistère est davantage connu dans l’hexagone pour sa baie, son port de pêche et ses fortifications, c’est pour une toute autre raison que son nom résonne dans l’archipel nippon.

C’est dans cette ville de Bretagne que l’usine japonaise Makurazaki, du nom de la ville éponyme située au sud de Kyushu, a installé une de ses succursales pour y produire de la bonite séchée ou katsuobushi, une préparation issue du fumage, fermentation et séchage du poisson éponyme, la bonite, et qui des ingrédients de base de la cuisine japonaise traditionnelle. 

Mais pourquoi donc implanter une unité de production en plein coeur de la Bretagne, (la seule dans l’hexagone et la deuxième en europe) plutôt que d’exporter ? “Au Japon, la bonite est fabriquée selon la même technique depuis 1708, de manière très rustique. Il est donc moins contraignant pour eux de créer une infrastructure ici que de mettre aux normes européennes leurs usines”, détaille Gwenaël Perhirin, le directeur Makurazaki France.

Respecter les traditions japonaises

 

L’aventure démarre donc à l’automne 2016, date de l’inauguration de l’infrastructure, qui vient couronner près de deux ans de travail pendant lesquels l’organisation de l’usine est réfléchie et surtout, le produit testé un nombre incalculable de fois, pour produire un katsuobushi digne de ce nom.

Ça a été le fruit d’un véritable travail d’équipe,” se remémore Gwenaël Perhirin.“Deux artisans spécialisés dans la découpe et le fumage-séchage et un autre dans la mise en copeaux sont venus jusqu’à l’été 2018, former les ouvriers en production pendant 2-3 semaines tous les mois et demi. Le vrai challenge était de réussir à créer du katsuobushi selon les règles de l’art japonais, tout en l’adaptant à la modernité.”

Un processus artisanal

 

En 2019, l’usine française de Makurazaki emploie six personnes, et produit essentiellement du katsuobushi type arabushi : des filets de bonite non fermentés avec des ferments de surface après le fumage et séchage. Elle planche également sur de produits, toujours fumés et séchés, à base de sardines (iwashibushi), chinchards (ajibushi) et maquereaux (sababushi).

Si l’armement est installé à Concarneau, les navires pêchent la bonite à ventre rayé dans l’océan Indien selon un cahier des charges très strict. Le poisson, une fois pêché et congelé est ensuite affrété vers le port breton avant d’être découpé en filets et cuit. “La plupart des opérations comme la découpe, l’étêtage ou encore l’éviscération sont faites à la main, au couteau japonais standardisé”, précise Gwenaël.

Viennent ensuite les phases de fumage aux copeaux de bois et de séchage, deux étapes qui donnent au poisson son goût fumé. Nous n’en saurons pas plus, les secrets de fabrication nippons devant être conservés précieusement. Ne restent ensuite que l’affinage et le conditionnement du poisson séché en copeaux.

De Concarneau aux cuisines des grands chefs

 

Des copeaux qui se retrouvent ensuite dans les mains des plus grands chefs bretons ou parisiens, à l’instar de Julien Lemarié, chef du restaurant Ima à Rennes, une étoile Michelin. “Nous nous en servons principalement pour confectionner nos dashis (des bouillons, ndlr). On ne peut pas tout à fait transposer son goût sur ce qui se fait au Japon, notamment car la bonite n’est pas fermentée. Elle a donc une part d’identité bretonne que l’on apprécie beaucoup”, confie le chef qui a passé cinq ans au Japon et qui ne manque pas de distiller dans sa cuisine locale un petit twist d’influences étrangères. “C’est important pour nous de travailler avec des gens du coin, d’autant qu’ils sont très à l’écoute, notamment sur nos retours pour améliorer encore et encore leur produit déjà qualitatif”, poursuit Julien Lemarié qui sert actuellement la bonite en infusion avec du konbu et du galanga. 

Une des plus grandes fiertés de Gwenaël Perhirin et son équipe ? Makurazaki approvisionne Eiryo Kudo, le chef de l’Ambassade du Japon à Paris, qui a servi son katsuobushi lors du passage à Paris du nouvel empereur nippon. “Il paraît qu’il a beaucoup apprécié son plat”, précise avec joie Gwenaël Perhirin. Pour aller encore plus loin, les villes de Makurazaki et Concarneau ont même imaginé se jumeler. Gwenaël Perhirin et les dirigeants de l’usine de Makurazaki n’avaient sans doute pas imaginé pareil succès.

©Makurazaki France Katsuobushi

©Makurazaki France Katsuobushi

©Makurazaki France Katsuobushi

©Makurazaki France Katsuobushi