L’imposante nature protège Ie Sanctuaire d’Ise

Ise-Shima : berceau de l’âme japonaise #02

14.11.2018

TextePen Editorial PhotographiesHaruo Nakano

Le soleil inonde le Kotaijingu (Naiku).

La Préfecture de Mie se trouve presque au centre de la côte pacifique du Japon, et la péninsule de Shima est située dans la partie orientale de la préfecture. Le Parc National d’Ise-Shima, dont la beauté réside dans la délicate rencontre entre la main de l’homme et Dame Nature – sur terre comme en mer – couvre l’ensemble de la péninsule. Le sanctuaire d’Ise, le plus grand temple Shinto du Japon, occupe la partie centrale d’Ise-Shima.

« Bien qu’invisible, il y a toujours quelqu’un ou quelque chose à mes côtés, qui me protège. Le simple fait de le sentir me rend si reconnaissant que mes yeux s’emplissent de larmes ».

Ces mots sont extraits d’un poème waka composé par le célèbre poète Saigyo Hoshi (1118-90) au cours d’une visite au sanctuaire d’Ise. Il avait renoncé à son statut de noble samouraï à l’âge de 22 ans pour se convertir au Bouddhisme et devenir moine. A n’en pas douter, le sanctuaire lui-même a encouragé la sensibilité à fleur de peau de cet intellectuel du 12ème siècle à ressentir un tel émerveillement et une telle gratitude.

Qu’est ce qui fait d’Ise un sanctuaire au sens propre ? Un élément y contribue fortement : le décor naturel qui enveloppe le jinja.

Les danses du printemps appelées kagura ont lieu fin avril. Ces magnifiques chorégraphies ont pour toile de fond l’environnement naturel du sanctuaire d’Ise, avec ses resplendissants cerisiers en fleurs.

Cerf surgissant sur les terres du Naiku.

Le sanctuaire d’Ise abrite les shin’iki (aires sacrées) et les kyuikirin (aires boisées du sanctuaire d’Ise). La nature qui compose les shin’iki est entretenue dans le but de préserver la grâce du sanctuaire d’Ise. Quant au kyuikirin, il est envisagé comme une forêt à cultiver, afin de protéger la qualité des eaux de la Rivière Isuzugawa et la beauté naturelle d’Ise Jingu.

La vaste zone des shin’iki regorge de panoramas extraordinaires, quelle que soit la saison de votre visite : la fraîche verdure luxuriante et les fleurs épanouies du printemps, les verts plus foncés de l’été, le kaléidoscope des nuances automnales, la charpente du jinja avec son manteau de neige en hiver, et ainsi de suite. Le principal attrait du sanctuaire d’Ise dépend de la capacité des visiteurs à apprécier avec tous leurs sens les changements de saisons si caractéristiques du Japon.

Les tons ardents dont les berges de la Rivière Isuzugawa se colorent en automne.

Le pont menant au Kazahinominomiya, souvent recouvert de neige en hiver.

La forêt kyuikirin s’étend sur la partie supérieure de la Rivière Isuzugawa qui s’écoule près du Kotaijingu (Naiku). Couvrant une vaste superficie de 5500 hectares, la forêt joue un autre rôle bien spécifique dans la mesure où elle fournit le bois – appelé gozoeiyozai – nécessaire au Shikinensengu, soit un ensemble de rituels consistant à reconstruire et à déplacer les principaux bâtiments du Sanctuaire d’Ise tous les vingt ans.

La gigantesque forêt kyuikirin encercle les enceintes d’Ise Jingu.

Selon le système Shikinensengu, une cérémonie se tient tous les vingt ans. A cette occasion, le palais divin est reconstruit sur un nouvel emplacement, tantôt à l’est, tantôt à l’ouest du précédent. Chaque élément est transporté selon les techniques traditionnelles de construction. Ainsi, le palais divin est entièrement reconstitué, de même que les vêtements et les trésors s’y trouvant, avant que la divinité Amaterasu Omikami ne soit à son tour transférée. Si le système fut mis en place il y a environ 1300 ans sous la direction de l’Empereur Temmu (le quarantième empereur du Japon qui règna de 673 à 686), la première reconstruction eut lieu en 690, lors de la quatrième année de mandat de l’Impératrice Jito. Depuis, cette tradition a perduré : le dernier Shikinensengu date de 2013, et en est à sa 62ème reconstitution.

Initialement, pour chaque Shikinensengu (reconstruction et déplacement du palais divin), le très spécial bois gozoeiyozai servant à la construction de l’édifice provenait de la forêt kyuikirin, mais le carbone 14, a permis de constater qu’il n’y avait plus assez de cyprès hinoki d’aussi bonne bonne qualité, si bien que l’on commença à s’en procurer dans les montagnes voisines et ailleurs. Cependant, en 1923, un plan fut imaginé à Ise Jingu, dans le but de gérer la forêt d’une manière qui permettrait d’utiliser comme par le passé son bois gozoeiyozai si caractéristique – l’objectif étant de cultiver des cyprès hinoki susceptibles d’être utilisés au cours des cent prochaines années. Par conséquent, au cours du Shikinensengu de 2013, la forêt kyuikirin fournira un quart du fameux bois gozoeiyozai pour la première fois en près de sept cents ans.

Dans la forêt kyuikirin, un cyprès hinoki choyé avec beaucoup d’attention. Ces arbres qui présentent des caractéristiques de croissance prometteuse sont marqués à l’aide d’une peinture spéciale. (Avec l’aimable autorisation du Service Administratif du Sanctuaire)

Plusieurs personnes travaillent inlassablement à la plantation des arbres, avec en perspective leur développement futur d’ici à deux siècles. (Avec l’aimable autorisation du Service Administratif du Sanctuaire)

Amaterasu Omikami est la divinité ancestrale attribuée à la Famille Impériale du Japon et, par extension, la divinité protectrice de l’ensemble de la population japonaise, considérée comme une seule et même grande famille. Le Sanctuaire d’Ise, qui accueille sa sainte présence, à l’instar du décor naturel qui l’englobe, a conservé sa stupéfiante beauté. Si vous vous abandonnez à cette sublime nature qui veille sur l’éternel sanctuaire, alors l’invitation spirituelle à se sentir « si reconnaissant » que vos « yeux s’emplissent de larmes », sera certaine.

 

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