KAORUKO, représenter la féminité japonaise
Ancienne pop star et idole des adolescentes japonaises, cette artiste exprime aujourd’hui sa vision de la femme à travers la peinture.
“Carp Climbing Up A Waterfall” (2019)
Installée à New York depuis 2007, l’artiste japonaise KAORUKO a un certain recul sur la culture qui a façonné sa personnalité. Son propre parcours l’amène aujourd’hui à s’intéresser à l’identité complexe de la femme japonaise à travers une œuvre évoluant entre tradition et modernité.
Le virage dans la carrière de KAORUKO se produit à la fin des années 1980. Celle qui a toujours rêvé d’être peintre doit arrêter la musique pour des raisons de santé, et changer de cap. « J’ai juste rapidement appris la peinture de style japonais, me suis construit un bon environnement de travail, et ai avancé seule », explique l’artiste à Pen.
Miroir de l’évolution
Désormais basée aux États-Unis, l’artiste mesure la différence entre les deux cultures. « Au Japon, les stars (les chanteuses pop adulées par les adolescentes) donnent une image innocente, KAWAII (mignonne) contrairement aux chanteuses américaines, qui ont davantage de personnalité et sont sexy. C’est une spécificité de la culture japonaise. C’est une image idéalisée, créée par des hommes, des producteurs. Je me suis moi-même également adaptée à ce que le public attend des jeunes chanteuses pop », poursuit KAORUKO.
Les jeunes femmes idolâtrées par la société, qu’elles soient chanteuses ou personnages de fiction, sont aussi le fruit de l’imagination des auteurs et metteurs en scène. Mais comme l’explique KAORUKO, les filles se débarrassent de leur « complexe de Cendrillon » lorsqu’elles « constatent que dans la réalité il n’y a pas de prince. »
Dans ses œuvres l’artiste associe peinture acrylique, feuille d’or, sumi-e (calligraphie traditionnelle) ou ukiyo-e (gravure sur bois). Elle mêle différentes époques, différents symboles et messages. Les femmes représentées fixent le spectateur, comme si elles l’interrogeaient. Dans leur intimité, ces femmes oscillent entre lascivité et innocence, mais semblent également avoir conscience de l’environnement dans lequel elles évoluent. L’artiste se veut ainsi avocate d’une culture empreinte d’une forme de misogynie.
Dans l’œuvre intitulée “Offering to the Goddess, Nyotaimori” (2018) KAORUKO aborde la question de cérémonies lors desquelles une femme nue voit son corps utilisé comme… une assiette. Une pratique « très discriminatoire, mais en même temps, au Japon, nous avons des coutumes, des traditions et une idéologie singulières ; nous considérons la terre comme une mère (utérus). Si nous regardons la pratique nyotaimori d’une manière différente, il s’agit de déposer de la nourriture pour tout le monde sur le corps d’une grand-mère ; c’est un symbole, un totem qui s’apparente à une mère nourricière. »
Pour autant, la situation évolue dans l’archipel, notamment grâce à la parole de femmes, dont la tenniswoman Naomi Osaka ou Shiori Ito. KAORUKO — qui est également illustratrice —, a de son côté créé la figure de Keiko, représentante d’un nouvel élan féministe dans le pays. La posture de cette fille, qui regarde sous ses cuisses se veut « un symbole ; si vous changez l’angle à travers lequel vous regardez le monde, vous pourrez alors trouver un nouvel avenir. »
Le travail de KAORUKO est à découvrir sur le site de la Robert Berry Gallery.
“Offering to the Goddess, Nyotaimori”
KAORUKO © The artist
“Antitle”
“Keiko”
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