L’audace d’après-guerre du mouvement japonais Gutai

Ce courant incarne le renouveau de l'art japonais en apportant une importance considérable aux matériaux et à la performance.

01.08.2019

TexteManon Baeza

Courtesy of Nakanoshima Museum of Art, Osaka

Jiro Yoshihara, né en 1905 à Osaka, est connu comme étant le fondateur et théoricien du Gutai. En 1956, il publie un manifeste sur l’art Gutai, qu’il incarnera jusqu’à la fin de ses jours. C’est par l’intermédiaire du critique d’art Michel Tapié que le mouvement franchit les frontières européenne et française, en 1958.

Gutai provient du terme gu qui signifie “instrument” et de tai qui veut dire “outil”. Gutaiteki se définit par “concret”, s’opposant ainsi à l’abstrait ou plus précisément à l’art abstrait. Désireux d’ouvrir l’art japonais à des techniques novatrices, Yoshihara crée la première association d’art Gutai en 1954, avec pour seul mot d’ordre de « ne copier personne ». Celle-ci regroupera près d’une trentaine d’artistes, majoritairement masculins, dont Shozo Shimamoto, Tsuruko Yamazaki, Kazuo Shiraga et Toshio Yoshida.

 

Une gestuelle picturale renouvelée

Le Gutai incarne donc le renouveau de l’art japonais, qui fait face à une période particulièrement meurtrière : la Seconde Guerre mondiale et le bombardement d’Hiroshima. Le mouvement accorde une importance considérable aux matériaux et à la performance. La gestuelle picturale est totalement repensée, avec une innovation constante dans les techniques utilisées par les artistes qui n’hésitent pas à employer leur corps pour créer. A l’instar de Saburo Murakami qui déchire ses toiles en sautant au travers ou de Kazuo Shiraga qui se sert de ses pieds comme des pinceaux.

De ce fait, on peut définir l’art Gutai comme un art éphémère. À l’instar du dadaïsme en Europe, le Gutai a été une révolution au sein de la sphère artistique. À mi-chemin entre l’abstraction, le surréalisme et le mouvement dada, il insuffle une nouvelle approche dans l’art contemporain, et inspirera considérablement les futurs artistes adeptes de performances et de happenings, tels que Marina Abramovic et Orlan. Une liberté créative débordante qui a suscité beaucoup de critiques à ses débuts.

En juillet 2018, le Musée Soulages de Rodez lui rendait hommage en y consacrant sa deuxième exposition, Gutai, l’espace et le temps. Celle-ci mettait notamment en lumière l’œuvre prolifique de Jiro Yoshihara. Ce dernier, décédé en 1972, a emporté avec lui une grande partie du mouvement puisque seulement une minorité des membres du Gutai ont poursuivi leurs activités après son décès.

 

Gutai, l’espace et le temps (2018), une exposition au Musée Soulages de Rodez à retrouver sur son site internet.

Courtesy of Nakanoshima Museum of Art, Osaka

Courtesy of Nakanoshima Museum of Art, Osaka

Courtesy of Nakanoshima Museum of Art, Osaka