Le quotidien de la rue dans “We Have No Place to Be”
Le photographe Joji Hashiguchi a parcouru Liverpool, Berlin ou encore New York pour figer sur pellicule une jeunesse anxieuse et à la marge.
© Joji Hashiguchi, “We Have No Place to Be 1980-1982”
Sur les clichés argentiques en noir et blanc, pris inlassablement en 28 mm et 40 mm avec cette idée de tenir son sujet à distance, se retrouvent toujours le même décor et les mêmes protagonistes : la rue et les jeunes. We Have No Place to Be (1980-1982) compile un peu plus de 130 photographies prises durant deux années par Joji Hashiguchi, dans des villes aussi diverses que Liverpool, Berlin-Ouest, Nuremberg ou encore New-York.
Joji Hashiguchi est un photographe né en 1949 à Kagoshima. Autodidacte, il voit dans la pratique de la photographie un excellent moyen de s’extraire de Kyushu et de s’échapper pour Tokyo, là où tout se joue. Passionné par les problématiques de la jeunesse, il s’intéresse à la contre-culture des jeunes japonais, à laquelle il consacre un premier livre, Shisen.
« La rue est le berceau de l’humanité »
We have no place to be (1980-1982) poursuit l’exploration de cette jeunesse, mais cette fois-ci, en dehors des frontières de l’archipel. Drogue, racisme, chômage, pauvreté, Joji Hashiguchi capture les démons et les affres des jeunes, dans le cadre brut de la rue. On y croise des visages marqués par la fatigue et l’ivresse, des mains abîmées, des yeux perdus dans le vague, des tribus fantasques et des vagabonds solitaires.
« La rue ne choisit pas les personnes qui la parcourent – elle est hors de portée de la société ordonnée. La rue est le berceau de l’humanité », explique l’artiste dans une interview au British Journal of Photography. « Je ne pouvais pas enlever la douleur et l’anxiété des jeunes que je photographiais, mais je pouvais me rapprocher d’eux parce que je comprenais leur incapacité à établir des relations avec la société en général. Je me sentais moi aussi anxieux face à l’avenir, et bien que nos angoisses aient pu être différentes, je n’ai pas ressenti de distance entre nous », poursuit celui qui s’est lancé dans cette série ses 30 ans à peine fêtés.
L’ouvrage, publié initialement en 1982 par Soshisha, a été réédité en 2020 par Session Press. Cette nouvelle édition renferme une trentaine de photos inédites. Joji Hashiguchi, alors questionné sur le sentiment qu’il éprouvait à la réédition de ses clichés, a estimé que si les manières de vivre avaient changées en 40 ans, l’état de la jeunesse n’avait pas forcément évolué. « Les jeunes d’aujourd’hui souffrent des mêmes inquiétudes quant à leur avenir et à leurs relations avec leur famille et leurs amis qu’il y a 40 ans. Au Japon, le taux de suicide chez les jeunes continue d’augmenter d’année en année. Malgré les nouveaux moyens de communication, ces statistiques prouvent que l’isolement et la division au sein de la société s’aggravent. »
We have no place to be (1980-1982) (2020), un livre de photographies par Joji Hashiguchi, publié aux éditions Session Press.
© Joji Hashiguchi, “We Have No Place to Be 1980-1982”
© Joji Hashiguchi, “We Have No Place to Be 1980-1982”
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