Shirley Kaneda et les multiples fonctions de la couleur
La peintre d’origine coréenne s’inspire des objets décoratifs japonais et de l’expressionnisme abstrait américain dans ses œuvres engagées.

© Shirley Kaneda
« La diversité est au cœur de mon œuvre. J’ai toujours remis en question ma démarche artistique afin de créer quelque chose de frais, d’inédit. Pour moi, l’art abstrait est en perpétuelle évolution, et ne doit pas toujours se ressembler », déclare Shirley Kaneda. Inspirée par l’expressionnisme abstrait de Barnett Newman, Clyfford Still ou encore Mark Rothko, l’artiste réalise des œuvres géométriques et bariolées, au cœur desquelles les formes s’affrontent.
Née à Tokyo de parents coréens – devenus citoyens japonais – la peintre a déménagé à New York en 1970 pour étudier l’art et n’a plus jamais quitté les États-Unis. Son éducation et son « identité hybride » ont forgé son œil, lui permettant de créer des œuvres riches aux nombreuses influences. « Ayant grandi dans une famille multiculturelle, je ne vois jamais quoi que ce soit d’une seule manière. C’est sans doute pour cette raison que mon approche est non-linéaire, irrégulière », confie-t-elle.
Dépasser ses attentes
Sur une toile comme en numérique, Shirley Kaneda réalise des fresques conceptuelles et graphiques. Au cœur de son œuvre : le choix des couleurs. « Matisse utilisait la couleur de manière sensuelle, presque provocante. Je laisse toujours parler mon intuition lorsque je choisis les tons de mes créations. Je suis naturellement attirée par certaines combinaisons. Un goût qui, je pense, me vient de mes années passées au Japon. Les Japonais ont une mémoire visuelle particulièrement développée, il est impossible de ne pas se laisser influencer par leurs magnifiques kimono », explique-t-elle.
Consciente que l’art peut être un outil de revendication, Shirley Kaneda entend décontenancer son public, l’inviter à dépasser ses attentes. Ses œuvres, décoratives, déconstruisent les notions de « féminin » et de « masculin ». La beauté, la fluidité et la grâce s’opposent à l’héroïsme, à l’agressivité, au rationnel. En jouant avec les formes tranchantes et les courbes, plus délicates, et les nuances chatoyantes, elle propose une réflexion inattendue sur les enjeux sociaux contemporains. « Une manière de travailler des sujets – le genre, la différence – qui ne peuvent pas forcément être expliqués à travers la narration », conclut-elle. Des réflexions modernes que la peintre a développées à l’aide d’outils digitaux, avant de revenir à ses premiers amours : les pinceaux.
Les travaux de Shirley Kaneda sont disponibles sur son site internet.

© Shirley Kaneda

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