Yurie Nagashima, un regard féminin de premier plan dans la photographie japonaise

Tank Girl. 1994, C-print
La photographe et écrivaine Yurie Nagashima a grandi entourée de solides modèles féminins : ses professeurs, les membres de sa famille et Simone de Beauvoir. Des femmes n’ayant rien à voir avec l’attitude attendue d’une femme dans le Japon des années 1990. Ignorant ceux qui lui demandaient d’être plus féminine, la jeune Nagashima décide de faire porter sa voix singulière par la photographie. Et sa voix a été entendue. C’est alors qu’elle est encore étudiante à l’université qu’elle remporte le prix Urbanart. Parmi les membres du jury : le photographe reconnu et hautement polémique, Araki Nobuyoshi.
Le personnel est politique

From the series Family. 1997, C-print
La série de photographies qui lui a valu ce prix, dépeignant la famille de Nagashima dans sa nudité, fait rapidement sensation au niveau national. Peu de temps après, l’expression « photographies de fille » (onna no ko shashin) voit le jour pour désigner un groupe de femmes photographes — dont Nagashima est l’une des figures de proue —, qui documentent leur vie quotidienne et s’expriment pour la première fois librement et au grand jour. Leur recours fréquent aux autoportraits et à la nudité ne laissent pas les critiques indifférents et un doute émerge sur les motivations réelles de ces photographes.

Onion. 2005, C-print
Interrogée sur la série, Nagashima explique qu’elle n’est pas sensée représenter sa famille, mais une famille, n’importe laquelle. L’artiste désire entamer un dialogue sur le concept même de famille en tant qu’unité politique et reflet des dynamiques qui traversent notre société. Cette quête d’une explication imagée du concept de famille, qui a commencé avec elle dans son rôle de fille et de sœur, a naturellement évolué au fil du temps, à mesure que la photographe a adopté de nouveaux rôles — ceux de mère, épouse et belle-fille.

From the series 5 comes after 6. 1997, C-print
L’attitude de l’artiste vis-à-vis de l’acte photographique en lui-même a également changé. Moins audacieuse qu’auparavant, elle accepte désormais que certains moments doivent filer sans être interrompus par le bruit de l’obturateur. Mais même si le ton de sa voix s’est modifié à mesure que Nagashima a mûri et approfondi sa connaissance du féminisme, notamment grâce à des études de sociologie, son message reste clair. Pour l’une de ses dernières installations, l’artiste a cousu avec sa mère une tente composée de vieux vêtements de sa famille, mettant ainsi en lumière les concepts de famille et de foyer qui ont toujours été au cœur de son travail.

From the series about home. 2016. Embroidery, T-shirts, Cotton bags, ect., Dimensions variable

From the series 5 comes after 6. 1997, C-print

From the series 5 comes after 6. 1997, C-print

from "5 comes after 6" (2014)

The Kiss (From the series 5 comes after 6). 2011/2017, C-print
LES PLUS POPULAIRES
-
Tokyo versus Kyoto, la guerre sucrée des “wagashi”
Depuis des siècles, “nerikiri” de Tokyo et “konashi” de Kyoto se livrent bataille dans les boutiques de confiseries traditionnelles.
-
“Nobody Knows”, une vie dissimulée
Ce film de Hirokazu Kore-Eda, tiré d’une histoire vraie, met en scène quatre enfants livrés à eux-mêmes dans un appartement tokyoïte.
-
“La beauté du seuil”, esthétique nippone de la limite
L’ouvrage d’Ito Teiji s’intéresse au “kekkai”, cette notion de la spatialité japonaise dont découle notamment l’agencement des habitations.
-
Les enfants-robots futuristes du céramiste Shigeki Hayashi
S'inspirant de la céramique traditionnelle de sa région natale, l'artiste façonne des sculptures d'humanoïdes dignes de science fiction.
-
Le japonisme architectural en France
Dans son ouvrage, Jean-Sébastien Cluzel remonte à la genèse de ce mouvement et tente de percer les secrets de la spatialité japonaise.