“La Rose de Versailles”, une révolution queer
Le manga inspiré par la Révolution française de Riyoko Ikeda a influencé la plus ancienne compagnie de théâtre musical féminin japonais.
Couverture de la version anglaise de “La Rose de Versailles’. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions / UDON entertainment.
L’élégant protagoniste de La Rose de Versailles (Berusaiyu no Bara – 1972), Oscar François de Jarjayes, est une icône sans égale dans l’histoire du shojo manga (manga pour filles). Ce récit de ses aventures, en abordant la question du travestissement, bouscule les normes propres à la société japonaise. S’appuyant sur la biographie de Marie-Antoinette et influencée par la magie visuelle propre à l’univers d’Osamu Tezuka, Riyoko Ikeda a popularisé l’histoire de France auprès de toute une génération d’adolescentes japonaises. Ses manga mettent ainsi en scène des protagonistes inspirés de véritables personnages historiques de Versailles avant la Révolution française. Le plus célèbre d’entre-eux, Oscar, commandant condamné de la garde royale, est une femme qui se présente comme un homme.
Dans les années 1970, la mode du BeruBara a été à l’origine d’une réelle frénésie — la sortie du récit d’Oscar allant jusqu’à provoquer la fermeture d’écoles face au choc vécu par les élèves. Mais ce sont surtout les adaptations musicales par la revue de théâtre féminine de Takarazuka qui ont mis en lumière les possibilités offertes à la société par le symbolisme queer d’Oscar.
Le théâtre des ambitions
Face à un régime corrompu dont les idéaux sont dépassés, Oscar déchaîne les passions auprès des deux sexes, que ce soit en inspirant l’amour ou la jalousie, et voit son identité défiée. Son combat représente des ambitions profondes nées au sein des sociétés patriarcales du Japon et de l’aristocratie française, et pour les lecteurs, met en lumière des débats féministes et queer historiquement absents de la culture pop japonaise. Mais l’apogée de cette révolution a eu lieu grâce à la revue Takarazuka, une célèbre compagnie de théâtre inspiré de Broadway où toutes les actrices rêvaient d’interpréter le rôle d’Oscar.
Renversant en 1913 un genre théâtral jusqu’alors réservé aux hommes, la revue Takarazuka s’est constituée comme un espace lesbien féministe qui fit scandale dans une partie de la société conservatrice japonaise. En mettant en scène une révolution queer, Oscar est devenu le modèle parfait des rôles otokoyaku — rôles masculins incarnés par des femmes — et une source d’inspiration pour le public féminin remettant en question les normes de genre existantes. Si la revue Takarazuka est connue pour avoir intégré des références de l’univers du manga, Riyoko Ikeda, elle-même chanteuse et interprète, a écrit et réalisé de somptueuses extensions de sa propre histoire pour leurs productions. Alors que son élan a amené des changements structurels pour la troupe, La Rose de Versailles s’est acquis un public d’inconditionnels et a permis de générer des milliards de revenus.
La pièce iconique de Riyoko Ikeda, dédiée à la gent féminine, a dans un premier temps dû faire face aux doutes des éditeurs. Mais le profil de l’auteure, sa formation de philosophe et ses ambitions académiques, ajoutés à la qualité de son shojo manga, l’ont finalement amenée jusqu’à l’obtention de la Légion d’honneur française en 2008, pour sa promotion de l’histoire du pays. Les nombreuses représentations de La Rose de Versailles en font une sensation romantique, avec une influence durable sur les classiques du film d’animation tels Revolutionary Girl Utena. Ses personnages pétillants ont provoqué une révolution, permettant de créer un pont entre les manga pour adolescentes, Broadway et la culture féministe et queer, tout en offrant au public l’espoir d’un monde meilleur.
La Rose de Versailles (1972), une série de manga par Riyoko Ikeda éditée par Kana.
Couvertures de la série “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
Couverture de l'édition anglaise de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions / UDON entertainment.
Portrait de Riyoko Ikeda, auteure de “La Rose de Versailles”. Avec l'aimable autorisation de Riyoko Ikeda Productions.
LES PLUS POPULAIRES
-
“Les herbes sauvages”, célébrer la nature en cuisine
Dans ce livre, le chef étoilé Hisao Nakahigashi revient sur ses souvenirs d’enfance, ses réflexions sur l’art de la cuisine et ses recettes.
-
Shunga, un art érotique admiré puis prohibé
Éminemment inventives, se distinguant par une sexualité libérée, ces estampes de la période Edo saisissent des moments d'intimité sur le vif.
-
Le périple enneigé d’un enfant parti retrouver son père
Le film muet “Takara, la nuit où j'ai nagé” suit un jeune garçon sur la route, seul dans un monde d'adultes qu'il a du mal à appréhender.
-
L'homme qui construisait des maisons dans les arbres
Takashi Kobayashi conçoit des cabanes aux formes multiples adaptées à leur environnement et avec un impact limité sur la nature.
-
Les illustrations calligraphiques d'Iñigo Gutierrez
Inspiré du “shodo”, la calligraphie japonaise, l'artiste espagnol établi à Tokyo retranscrit une certaine nostalgie au travers de ses oeuvres.