Le corps tatoué au Japon, récit d’une évolution
Le journaliste Philippe Pons examine dans ce livre l'histoire mouvementée du tatouage et son déclin au sein de la société japonaise.

HORIBUN II, L’un des plus célèbres maîtres tatoueurs de la seconde moitié du XXème siècle. Photo © Ian Buruma
Le tatouage a un sens, et celui-ci évolue. Au fil des époques, la place et la signification de cet art ont évolué dans la société japonaise. Le livre Le corps tatoué au Japon, estampes sur la peau, publié en 2018 par le journaliste Philippe Pons, permet d’aborder le tatouage sous les prismes historique, anthropologique et esthétique.
Correspondant au Japon du journal Le Monde, Philippe Pons réunit dans cet ouvrage des entretiens réalisés pendant trois décennies avec des maîtres tatoueurs, associés à ses recherches et analyses.
Changement de sens
À partir de son interdiction sous le règne de l’empereur Meiji (1867-1912), les yakuza s’approprient le tatouage. Ce n’est qu’en 1948 que sous l’occupation américaine, le général MacArthur lève cette interdiction. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, le tatouage demeure encore associé aux gangs, à la défiance du système.
Philippe Pons estime aujourd’hui que les nouvelles générations tendent à dénaturer le tatouage traditionnel, associé à l’estampe. Comme le souligne Gilles Fumey dans le journal Libération, l’art du tatouage « survit grâce à une petite communauté d’adeptes, semi-clandestins, dont le nombre ne cesse de croître : deux-cent cinquante tatoueurs en 1980, trois mille en 2017. Avec, curieusement, l’impression d’un déclin probable…»
L’ouvrage replace cet art populaire dans l’histoire sociale de l’archipel. Au XVIIème siècle, les « peaux de brocart », réalisées sur l’intégralité du corps étaient plébiscitées par le peuple. Aujourd’hui, des tatouages plus discrets (les wan pointo tatu), sont prisés par la jeunesse nippone. Philippe Pons revient sur cette évolution surprenante, alors que depuis le début du XXIème siècle, le grand art du tatouage traditionnel japonais, apprécié et valorisé à l’étranger, est sur le déclin dans l’archipel, et perd son sens et son authenticité.
Cet ouvrage fait suite à Peau de brocart. Le corps tatoué au Japon, publié en 2000 aux éditions du Seuil.
Le corps tatoué au Japon, estampes sur la peau (2018), un livre de Philippe Pons publié chez Gallimard.

Ce tatouage de HORIYOSHI II représente le guerrier Inusaka Keno identifiant la tête décapitée de son ennemi. Photo © Keibunsha Co. Ltd., Tokyo

© Gallimard
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