Ujicha, maître du “gekimation”

Ce cinéaste est le premier à avoir réalisé un long-métrage en s'inspirant du théâtre de papier ambulant traditionnel “kamishibai”.

19.02.2022

TexteSébastien Raineri

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

Procédé quasiment oublié et délaissé dans le cinéma d’animation, le gekimation revient sur le devant de la scène grâce à deux long-métrages réalisés dans un petit appartement de Kyoto, par un metteur en scène surnommé Ujicha.

Le cinéaste a choisi ce pseudonyme en référence au thé vert cultivé dans les champs d’Uji à Kyoto, d’où il est originaire. Diplômé de l’Université des arts de Kyoto Saga, Ujicha commence par réaliser des court-métrages qu’il écrit, dessine, filme et monte seul, en utilisant le concept de gekimation. Dérivé du mot japonais gekiga, qui désigne les manga destinés aux adultes, ce style d’animation trouve ses origines dans les années 1970 avec la série animée Cat-Eyed Boy, adaptée du manga horrifique de Kazuo Umezu.

En s’inspirant davantage des techniques du kamishibai que de l’animation classique, le gekimation se veut être le pendant filmique de ce théâtre de papier ambulant, où des histoires sont racontées en faisant défiler des illustrations devant les spectateurs. Pour le cinéma, l’artiste dessine et découpe des silhouettes qu’il filme comme des marionnettes déplacées à la main dans des décors miniatures. C’est sous cette forme que se trouve parfaitement représenté l’univers gore et déjanté d’Ujicha, dans les films d’horreur grotesques que sont The Burning Buddha Man (2013) et Violence Voyager (2018).

 

Des récits extrêmes aux formes naïves

Avec ces deux films, Ujicha s’affirme comme le maître du gekimation, en étant le seul créateur indépendant qui parvienne à repousser les limites de ce format. Il démontre que la technique d’animation qu’il utilise décèle un potentiel remarquable pour raconter des histoires troublantes, viscérales, construites autour d’une horreur corporelle. Dans The Burning Buddha Man, premier long-métrage de gekimation qui a remporté le prix d’excellence au Japan Media Arts Festival en 2013, une jeune lycéenne est entraînée dans un complot cauchemardesque et entreprend de venger ses parents qui se sont fait tuer. Dans Violence Voyager, deux jeunes garçons tombent par hasard sur un parc d’attractions secret dans lequel ils se risquent à un jeu macabre. Ces exemples de synopsis ne sont qu’un aperçu de la nature du travail du réalisateur, qui pioche dans ses souvenirs pour s’inspirer d’histoires qu’il a vécues étant enfant.

Son style d’animation hybride est le résultat d’un travail minutieux, mélange de matières liquides visqueuses et de découpages de papiers peints à la main. Chaque silhouette est unique, utilisée pour un seul plan et entourée de centaines d’accessoires, ce qui explique que le temps de production d’un film s’étale sur plus de trois années. Ujicha persiste pourtant à tirer partie de cette forme d’animation inspirée du théâtre de marionnettes japonais, pour proposer des récits toujours plus violents, extrêmes et absurdes.

 

The Burning Buddha Man (2013) et Violence Voyager (2018), des films réalisés par Ujicha, et distribués par Spectrum Films.

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés

© 2021 Spectrum Films - Tous droits réservés