“L’Esprit Mingei au Japon”, le réveil de l’art populaire traditionnel

Apparu dans les années 1920, ce mouvement artistique a pour but de réaffirmer la valeur de l’artisanat nippon.

13.05.2022

TexteLéa-Trâm Berrod

© Musée du quai Branly / Actes Sud

Dans son ouvrage publié en 2008, L’Esprit Mingei au Japon, le conservateur général du patrimoine Germain Viatte révèle les secrets de la réussite de ce nouveau courant artistique, entre tradition et modernité. 

Face à un pays qui ne considère que l’art aristocratique et l’uniformisation de la mondialisation, le philosophe japonais Soetsu Yanagi (1889-1961) décide de revaloriser la beauté des objets du quotidien (getemono). Ainsi, une nouvelle génération d’artistes et artisans adopte le mouvement mingei en utilisant des matériaux naturels et de qualité. Tout en restant contemporaines, les œuvres, principalement issues de la poterie et de la céramique, sont aux couleurs et aux motifs simples. Authenticité, modernité et sobriété sont les mots d’ordre de cet esprit. « Il doit être modeste mais non de pacotille, bon marché mais non fragile. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets mingei doivent au plus haut point éviter », décrivait le fondateur du mouvement, Soetsu Yanagi dans L’idée du Mingei (1933). 

 

Une dimension spirituelle

En plus de la valeur des fondamentaux de l’artisanat nippon, la dimension spirituelle des objets d’usage quotidien est révélée. D’après le principe de la voie du bouddhisme, le tariki (« autre puissance » en japonais), la vérité dépasse la conscience de soi. Ainsi, elle permet de réaliser des créations à la fois justes et durables, au-delà de la notion de beau et de laid.

« Ce qui est extraordinaire est loin de l’idéal. Il n’y a pas d’idéal qui surpasse l’ordinaire. L’habituel est l’état ultime des choses», expliquait Soetsu Yanagi dans La civilisation de l’artisanat (1941). Dès lors, le fondateur du mouvement artistique mingei sélectionne des produits d’artisans inconnus, dépourvus de virtuosité technique. Aussi, il appréhende leur vertu (toku) à travers des termes moraux dont la sûreté (kakujitsu), la fidélité (chusei) et la sincérité (seijitsu). 

 

Un échange avec l’Occident

L’objectif de l’esprit mingei n’est pas uniquement de mettre en lumière un art populaire traditionnel, il faut lui donner de la visibilité mondiale. Par conséquent, le penseur japonais met en place un réseau commercial grâce à la presse et aux grands magasins en plus d’organiser des expositions, par exemple au Mingei International Museum.

« L’artisan artiste doit donner des orientations futures, améliorer la situation et permettre éventuellement la retransmission de l’artisanat aux classes populaires. Les buts de tous les efforts doivent tendre non à l’expression personnelle, mais à l’apparition concrète de la beauté à l’intérieur de l’art populaire », racontait Soetsu Yanagi dans La Voie de l’artisanat (1927-1928). Une prise de conscience s’installe avec l’ouverture progressive du Japon grâce à trois experts internationaux. L’urbaniste Bruno Taut, l’architecte Charlotte Perriand et le sculpteur Isamu Noguchi interviennent alors afin d’établir un lien entre la reconnaissance de l’artisanat et la modernité. Par la suite, Sori Yanagi, le fils de Soetsu Yanagi et collaborateur de Charlotte Perriand, poursuivra cette réflexion dans des pièces à mi-chemin entre l’esthétique japonaise et le design occidental.

 

L’Esprit Mingei au Japon (2008), un ouvrage de Germain Viatte publié aux Éditions Actes Sud. 

© Mingei International Museum. Purchase. Photographie de Lynton Gardiner.

© Mingei International Museum. Gift of Sueo and Marsha Serisawa. Photographie de Lynton Gardiner.

Mingei International Museum. Gift of Peter and Natalia OReilly. Photographie de Lynton Gardiner.