Tokyo versus Kyoto, la guerre sucrée des “wagashi”

Depuis des siècles, “nerikiri” de Tokyo et “konashi” de Kyoto se livrent bataille dans les boutiques de confiseries traditionnelles.

08.08.2022

TexteVictoire Dufay

© “Nerikiri” - Wikimedia Commons, TDR

Douceurs dégustées depuis leur importation de Chine à l’ère Taiho (701-704), les wagashi sont aujourd’hui un incontournable de la gastronomie japonaise. Préparés avec différentes farines et agrémentés de pâte de haricot rouge sucrée (an ou anko), d’arachides ou encore de poudre de soja grillée (kinako), les wagashi sont avant tout un délice pour les yeux, prenant les formes raffinées de fruits, de végétaux ou d’animaux, selon les lieux et les saisons. À l’intérieur des nombreuses catégories qui permettent de les différencier, on en repère facilement deux qui s’opposent autant qu’elles se complètent : les sobres konashi du Kansai, et les complexes nerikiri du Kanto.

Malgré leurs différences, les deux spécialités régionales représentent depuis toujours le luxe, l’art de recevoir des invités, le raffinement des mélanges harmonieux qui s’opèrent avec le thé, mais aussi la marque des saisons auxquelles la population japonaise est si attachée, et enfin, la célébration de fêtes auxquelles les wagashi sont parfois liés. À la manière des accords vins et fromages typiques de notre région, il existe une multitude de saveurs et de textures dans les wagashi, que l’on déguste avec des thés choisis, tout aussi nombreux et variés. C’est une des rares spécialités sucrées de la cuisine traditionnelle japonaise, et de ce fait, tout à fait emblématique.

 

Les formes simples, symbole d’authenticité des konashi

Vraisemblablement le plus ancien des deux, le konashi est le wagashi traditionnel de la région du Kansai et de Kyoto. Alors que la ville était l’ancienne capitale, déjà, des salons de thé traditionnels toujours en activité tels que Toraya en fabriquaient et fournissaient la maison impériale. Généralement dégustées durant la cérémonie du thé, notamment avec du matcha, ces confiseries aux formes simples et évocatrices illustrent les saisons, la faune et la flore locale.

La pâte, réalisée à base de farine de blé le plus souvent et de pâte de haricots blancs sucrée, a une texture épaisse et un aspect jaune pâle, et on lui préfère le travail en formes simples, avec les doigts ou des outils en bois. Ces sucreries résistent bien à l’air, séchant de manière superficielle tout en conservant un cœur moelleux, et peuvent être consommées durant plusieurs jours après fabrication, rendant leur conservation aisée, à la différence des nerikiri, qui doivent être consommés au plus vite.

 

Le raffinement complexe d’un ambassadeur international, le nerikiri

Le nerikiri, quant à lui, est réalisé avec de la farine de riz, qui rend sa pâte plus souple et plus blanche. Sa texture malléable appelle à la création de formes complexes réalisées à l’aide de nombreux outils. Son aspect spectaculaire et sa disponibilité dans la capitale en font un cadeau de choix pour les Japonais à l’intérieur du pays, et un objet de fascination pour les étrangers en visite. De fait, le nerikiri est probablement le wagashi le plus connu des deux, au Japon comme à l’international.

Très représentée durant la Fête du Wagashi qui se tient le 16 juin, cette sucrerie s’est énormément développée au fil des siècles, proposant des formes et des couleurs toujours plus incroyables et modernes, là où le sage konashi du Kansai s’est attaché à conserver des formes et des motifs sobres et authentiques. Le nerikiri ne prétend pas être dans la suggestion, il imite clairement et avec force détails l’élément qu’il représente, cherchant parfois à dépasser la beauté du réel. Les deux sont aussi poétiques l’un que l’autre, l’un par son élégante épure, et l’autre par la finesse de sa technique.

 

Plus d’informations sur le site de l’Association Japonaise de Wagashi.

© “Nerikiri” - création et photographie de Doriane Berges, TDR

© “Konashi” - Wikimedia Commons, TDR

© “Konashi” de chez Toraya - photo de Doriane Berges, TDR

© “Konashi” - création et photographie de Victoire Dufay

© “Nerikiri” du Nouvel An - création de la pâtisserie Fukushiyama, photographie de Doriane Berges, TDR