Satoshi Miyagi, un théâtre à la croisée des mythes

19.06.2019

TexteRebecca Zissmann

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Cyril Zannettacci

Le metteur en scène japonais, accompagné de sa troupe du Shizuoka Performing Arts Center, revient sur les planches du théâtre Claude Lévi-Strauss au Musée du Quai Branly cette semaine du 19 au 23 juin.

Dans son spectacle « Le Lièvre blanc d’Inaba et des Navajos », Satoshi Miyagi, grand explorateur des mythologies, croise la légende d’un lièvre blanc du Kojiki, recueil des mythes fondateurs du Japon compilé au VIIIe siècle, avec celles de cultures amérindiennes.

Comme à son habitude, Miyagi donne un spectacle total. Danse et mime sont au rendez-vous, puisque certains acteurs sont muets alors que d’autres, les conteurs, n’existent que par leur voix. Côté costumes, masques et marionnettes traditionnels font défiler les figures de légende.

La musique n’est pas non plus en reste, elle est même un personnage à part entière comme dans la dernière production du metteur en scène au Théâtre de La Colline « Révélation Red in Blue trilogie ». Les instrumentistes sont sur scène, sur le même plan que les acteurs, et ponctuent l’avancée du récit de motifs mélodiques évocateurs frappés sur pas moins de quarante percussions différentes.

Cette dramaturgie particulière, où musiciens et conteurs font face aux danseurs, est empruntée au kabuki, le théâtre japonais traditionnel. Un théâtre dont les influences se ressentent aussi ici dans les pas et gestes presque ritualisés des acteurs, pourtant beaucoup plus libres de leurs mouvements que ne le permet habituellement le kabuki.

Pour cette création, mise en scène en 2016 en l’honneur des dix ans du Musée du Quai Branly, l’orchestrateur japonais et sa troupe se sont inspirés des théories de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss. Dans L’Autre face de la lune, l’auteur note des similitudes entre mythes asiatiques et mythes amérindiens, où l’on retrouve des figures similaires comme celles du beau-père maléfique ou du passeur. Pour lui, ces légendes auraient circulé de l’Indonésie à l’Alaska à l’époque des grandes glaciations, formant un « système mythologique » commun.

C’est en partant de cette hypothèse que Miyagi et les 25 comédiens et musiciens du Shizuoka Performing Arts Center se sont livrés à un travail d’écriture collective. Pour eux, il s’agit de renouer avec la tradition théâtrale japonaise, lorsque des villages entiers se transformaient en troupe.

Dans le premier acte, un homme se rend à Inaba épouser la princesse Yagami quand il fait la rencontre d’un lièvre blanc victime d’une horde de crocodiles. Une rencontre qui va changer son destin. Vient ensuite en acte deux l’évocation du mythe fondateur des Navajos avec le parcours initiatique de deux jumeaux, fils d’une femme fécondée par le Soleil. La réinterprétation de l’origine des deux mythes par la troupe vient alors clore le spectacle avec un message essentiel : le refus de la hiérarchisation des cultures.

Satoshi Miyagi est un habitué du Musée du Quai Branly dont il avait inauguré le théâtre Claude-Lévi Strauss en 2006 avec son interprétation du Mahabharata hindou. Il est à la tête du Shizuoka Performing Arts Center depuis 2007 dont le jumelage avec le Théâtre de Gennevilliers est attendu courant 2020.

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Cyril Zannettacci

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Cyril Zannettacci

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Cyril Zannettacci

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Cyril Zannettacci