Connaissez-vous cette voiture de sport née à Kyoto et appelée la Dome ?

Trois voitures japonaises vintage d’exception #02

16.08.2019

TexteYoshio Fujiwara PhotographiesIsao Yatsui

La crise du pétrole provoquée par la guerre du Kippour de 1973 transforma radicalement du jour au lendemain l’industrie automobile japonaise. Les voitures de sport alors en développement chez plusieurs fabricants durent revoir leur stratégie, et les entreprises se retirèrent une à une du monde de la course automobile. Mais dans le même temps, ce changement fut à l’origine d’un nouveau souffle.

En 1975, on assista à Kyoto aux balbutiements d’un nouveau constructeur répondant au nom de Dome. À la direction de la conception, on nomma Minoru Hayashi, qui avait fait ses premiers pas dans le monde de la production de voitures de courses en 1965 avec la Karasu, une version améliorée de la Honda S600. Contraint de renoncer à l’usage de la Karasu pour la compétition automobile par manque de financement, il trouva néanmoins difficile de ne pas concevoir des voitures, si bien qu’il se tourna vers la conception de voitures de sport susceptibles d’être conduites sur la voie publique.

Comparées aux voitures de courses, les voitures de série conçues pour le grand public garantissent de meilleures ventes et demandent une validation de la part des autorités. Et de surcroit, si une voiture de sériese vend bien, les profits qui en découlent peuvent ensuite servir à la construction de voitures de course.

Avec pour objectif de créer une voiture à succès avec un budget limité, peu d’expérience et n’ayant jamais fait ses preuves, Hayashi énonça six points clés dès le commencement du projet :

1. Un style percutant qui surprendrait au premier coup d’œil et à l’unanimité.

2. Une structure permettant par un simple réglage de convertirle véhicule en voiture de course.

3. Une fonctionnalité haut de gamme.

4. La possibilité d’installer différents moteurs.

5. Répondre aux critères des autorités japonaises pour les voitures de séries.

6. Être la première ou la meilleure voiture au monde dans un domaine précis.

L’équipe décida alors de produire une voiture de sport lowriding dotée de la hauteur la plus basse au monde – 980 mm seulement – tout en visant une première mondiale au salon de l’automobile de Genève de 1978. Il était impensable qu’un groupe de jeunes trentenaires inconnues pouvait concevoir une automobile pour être présentée à un salon étranger. Mais c’était précisément le but recherché par Hayashi.

Le salon international de l’automobile de Genève vit le jour le 1er mars 1978. Lorsque la Dome Zero fut dévoilée dans un coin de l’exposition – aux côtés d’une myriade d’autres modèles déjà célèbres – les médias et les visiteurs furent nombreux à s’avancer pour y jeter un œil. Dès lors, les informations sur la Mazda Dome se propagèrent dans le monde entier, galvanisant l’imagination de tous.

Malgré l’absence regrettable de déclarations du type, « plusieurs centaines d’unités ont été vendues » ou encore, « quelqu’un s’est proposé pour acheter les droits de fabrication », l’équipe de conception fut accueillie à son retour au Japon par une nouvelle aussi inattendue que salutaire ; à savoir la commercialisation de la Dome sous la forme de voiture radiocommandée – une marotte qui connaissait un véritable essor au Japon, à l’époque. De plus, la Dome radiocommandée remporta un franc succès, ce qui rapporta des droits d’auteur d’un montant d’environ 300 millions de yens (soit 1,25 millions de dollars, sachant qu’1 dollar américain correspondait à 240 yens japonais) – une coquette somme pour l’époque. Même si l’équipe de conception avait réussi le tour de force de lancer la fabrication de la Zero, comme ils en avaient fait le vœu initialement, il aurait sans doute été impossible pour eux de faire 300 millions de yens de bénéfices. En ce sens, on peut dire sans trop exagérer que la Dome Zero est « la seule voiture de sport au monde à avoir gagné des sommes colossales sans avoir vendu un seul modèle ».

Au début, les efforts se concentrèrent à l’obtention des certifications auprès des autorités japonaises, mais au ministère des Transports japonais, personne ne voulait en entendre parler. C’est alors qu’un vieil ami d’Hayashi – le concepteur de voitures Masahiko Kaneko, qui vivait alors en Californie – suggéra que la certification du modèle pourrait d’abord s’effectuer aux Etats Unis, après quoi il pourrait être mis sur le marché.

Ainsi, la Dome P-2 fut élaborée en 1979 dans le but de satisfaire les désirs d’un fabricant de jouets, tout en préservant le style de la Zero. Cependant, conformément aux normes de la Sécurité automobile fédérale américaine (la FMVSS), les pare-chocs et les phares furent surélevés, ce qui entraîna quasiment une redéfinition complète du design, sans aucun rapport avec l’ancien modèle, hormis les feux arrière et les roues.

« Rétrospectivement, les designs de la Zero et de la P-2 avaient tous les deux un aspect plutôt puéril. Si on me demandait pourquoi je les ai conçues de cette manière, je répondrais à coup sûr : pour en mettre plein la vue. Sur ce point, la voiture a rempli sa mission. Si un engin de ce genre parvenait à exister, ce serait forcément au mépris du confort et de l’aspect pratique. »

En fait, à cette période, et en même temps que la conception de la P-2, un fabricant de jouets avait sommé Mazda de réaliser une voiture de sport Zero. Hayashi sauta sur l’occasion pour inventer une machine répondant à tous les critères de la véritable voiture de Groupe 6 (classification de course automobile). Par conséquent, l’opération Dome revit ses ambitions à la hausse afin de pouvoir concourir aux 24 Heures du Mans.

J’étais persuadé que l’interruption du développement de la P-2 était due au démarrage du projet « Le Mans » mais, avec le recul, la chronologie des évènements démontre que les deux modèles avançaient en parallèle. Embaucher du personnel aurait représenté une grosse dépense. Du coup, tout ce qui concernait le projet « Le Mans » fut exécuté en interne – y compris le travail de peinture. Bien que nous soyons parvenus à terminer le projet « Le Mans » en trois mois et demi à compter du début de sa conception, je n’ai pas le moindre souvenir de la façon dont un tel exploit fut réalisable. »

En définitive, la stratégie consistant à obtenir un certificat pour la P-2 aux États Unis échoua à cause de l’excès de zèle employé à la conception du véhicule destiné au Mans. Néanmoins, grâce à l’impact de la Zero et de la P-2, des demandes de conception et de développement furent émises par un très grand nombre de fabricants automobiles, ce qui permit aussi à la Dome de progressivement se concrétiser. Ainsi, le rêve, longtemps entretenu par Hayashi, de construire des voitures de course, fut de nouveau envisageable.

« À l’époque, comme ma seule obsession était de construire des voitures, je me précipitais sur la moindre opportunité, sans penser aux conséquences. D’ailleurs, je suis toujours comme ça, et je peux vous dire une chose, c’est que lorsqu’on se met à parler de notions telles que le cahier des charges, la pertinence, ou encore le profit, il vaut mieux  tout arrêter. De ce fait, l’unique option, pour ma part, était de m’investir à fond sur ce projet, qu’il soit réalisable ou non. »

S’entêter dans le projet de construction d’une voiture de course peut s’apparenter à un immense pari. Selon Hayashi, « à moins d’être incroyablement chanceux – comme lorsqu’on enchaîne dix victoires d’affilée à la roulette – c’est là une tâche impossible. » Finalement, le jackpot remporté grâce à la conception de la Zero et de la P-2 servit de pierre angulaire pour la Dome.

1979 Dome P-2

Moteur : refroidissement à eau, 6 cylindres en ligne, DACT 2753 cm3

Puissance maximale : 145 ch ; 5200 tr/min

Couple maximal : 23 kgm ; 4000 tr/min

Dimensions : Longueur 4235 mm ; largeur 1775 mm ; hauteur 990 mm