Prodige de la sculpture sur sucre, Shinri Tezuka ranime une tradition ancestrale
Dans ses deux boutiques de Tokyo, l'artisan donne un nouveau souffle à l'art de l'“amezaiku”, qui consiste à sculpter des sucettes en sucre.
© Asakusa Amezaiku Ameshin
Très populaire au XXème siècle, l’amezaiku compte aujourd’hui moins d’une centaine de représentants dans tout le Japon. Il faut dire que cette pratique requiert minutie, agilité mais aussi résistance à la douleur.
Pour réaliser ces sculptures comestibles, Shinri Tezuka plonge ses doigts dans une pâte de sucre chauffée à 90°C. Le mizuame, un sirop fait à base d’amidon de riz ou de pomme de terre, lui brûle inévitablement les phalanges.
Une épreuve de rapidité
À l’aide d’un ciseau, il en découpe une petite boule blanche, l’embroche sur un pic… et entame une course effrénée contre le temps : avant que le sucre ne se solidifie à nouveau, il ne dispose que de cinq minutes pour modeler la forme de son choix — un crapaud, un poisson ou un simple ovale qui servira de toile à un paysage miniature. L’artiste donne ensuite vie à son œuvre. Au pinceau, il applique plusieurs couches de colorant translucide, avec une nuance spectaculaire pour une si petite surface. En tout, l’opération aura pris un peu moins d’une demi-heure.
Si les sources divergent au sujet des premières traces de ces sucettes, celles-ci remonteraient à la période Heian, entre les VIIIème et XIIème siècles, époque à laquelle elles auraient été confectionnées pour servir d’offrandes aux temples. Mais c’est à la fin de la période Edo, au XIXème siècle, que l’amezaiku s’est intégré dans la culture populaire et a ravi le cœur des familles, les enfants en première ligne.
Des friandises synonymes de fête
À l’époque, la sculpture de sucette devient un évènement lors des festivals de rue. Loisir par excellence, elle fait partie de l’arsenal des itinérants de l’époque, qui voyagent de ville en ville et ravissent les passants avec leurs tours et leurs histoires drôles. Sous les regards ébahis, ils portent une paille à leur bouche et soufflent le sucre comme on souffle le verre. Ils en tirent des créatures magiques, si belles que d’ordinaire, personne ne se résout à les manger.
Lorsque dans les années 1970, le gouvernement japonais interdit cette technique par mesure d’hygiène et limite la vente nomade de nourriture, l’amezaiku se raréfie (même si c’est lors d’un festival de ce type que Shinri Tezuka a découvert son existence et décidé d’en faire son métier). Il a cependant retrouvé un nouvel élan sur les réseaux sociaux et leur public fasciné par tout ce qui mêle, de près ou de loin, nourriture, animaux et créativité.
Les créations de l’artisan lui donnent aussi une autre dimension. Elles s’éloignent du tout kawaii (le mignon à outrance) au profit d’animaux plus réalistes, parfois même effrayants, comme ce calamar au regard perçant ou ce poisson-scorpion à la bouche béante. Car si l’on apprend aux grands débutants à façonner un lapin, la forme la plus simple, les possibilités qu’apporte la maîtrise de l’amezaiku sont infinies. À la manière d’un créateur de mode, Shinri Tezuka propose des sucettes en série limitée, dont la production rythme les saisons.
Le travail de Shinri Tezuka est à retrouver sur son site internet.
© Asakusa Amezaiku Ameshin
© Asakusa Amezaiku Ameshin
© Asakusa Amezaiku Ameshin
© Asakusa Amezaiku Ameshin
© Asakusa Amezaiku Ameshin
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