Shiro Kuramata, emblème du design postmoderne japonais

©Lieven Van Melckebeke
Sur la scène design internationale, l’école japonaise occupe une place de choix et Shiro Kuramata en est incontestablement l’une des figures de proue. Adepte du minimalisme poétique, le designer est réputé pour avoir essayé tout au long de sa carrière de se “libérer de la gravité”.
Après des études en architecture au sein de l’université de Tokyo et de design dans la prestigieuse école de design Kuwasawa – connue pour son enseignement des théories du design occidental- Kuramata décide de créer en 1965 le “Kuramata Design Office”. Un atelier personnel où il conçoit l’épure souple et les formes délicates de ses meubles. À 31 ans seulement, l’artiste se lance pour défi de repousser les limites de la matérialité en conjuguant minimalisme et fonctionnalité. Tout en explorant les frontières entre la lumière naturelle et la lumière artificielle.
C’est au sein du Kuramata Design Office qu’il conçoit le “revolving cabinet”, un système de boîtes de rangement en accordéon et tournant. Il y réalise également l’emblématique siège “How High The Moon”, un fauteuil club en résille métallique, et la fameuse chaise “Miss Blanche”, pensée à base de Plexiglas transparent et incrustée de roses. Impossible enfin de ne pas mentionner la “Glass Chair” – soit la chaise en verre – qui témoigne de l’apogée de ses recherches relatives à l’immatérialité.

L’univers surprenant et unique de Kuramata attire alors l’attention du célèbre Ettore Sottsass, son maître spirituel, qui lui propose une collaboration. Très vite, le designer japonais intègre le Groupe Memphis, fondé à Milan en 1980 par Ettore Sottsass lui-même. Ce joyeux mouvement apparaît comme une nouvelle ère pour le design. Il s’oriente davantage sur la mode et les courants artistiques internationaux tels que le Pop Art. Ses nombreuses couleurs, motifs et formes déstabilisent complètement le design post-Bauhaus, beaucoup plus austère et qui privilégie l’aspect fonctionnel du meuble plutôt que son esthétique. Sottsass, Kuramata et les autres vont alors repenser les fondements mêmes du design, en s’orientant vers des créations plus fantaisistes.
Les années 80 propulsent d’ailleurs Shiro Kuramata au summum de la gloire. C’est au cours de cette décennie qu’il dessine la table Kyoto (1983) en ciment et verre ainsi que la table Sally (1987), en métal et mosaïque de verre. De quoi se faire remarquer par le créateur Issey Miyake, qui le nomme architecte d’intérieur de ses premières boutiques. De là, s’en suit une collaboration au long cours puisque Kuramata décorera plus d’une centaine de boutiques du créateur de mode japonais. Enfin, en 1988, le designer décide de s’installer à Paris et d’y ouvrir un nouvel atelier.
Conceptuel et poète, Shiro Kuramata insuffle une nouvelle énergie au design contemporain. Son style à la fois épuré et ludique mêle l’art à la narration, en racontant des histoires à travers des objets. Réputé pour ses jeux de lumière et de transparence et ses choix audacieux et inhabituels de matières, Kuramata pense le design comme un art à part entière, plus intellectuel et abstrait.
Son talent sera récompensé un an avant sa mort, en 1990, lorsqu’il est fait chevalier des Arts et des Lettres à Paris. Aujourd’hui, il est possible de découvrir quelques-unes de ses oeuvres avant-gardistes au sein du musée des Arts décoratifs de Paris, ainsi qu’au MoMA à New York.



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