Entretien avec le concepteur de la Mazda RX500, célèbre voiture pour son allure futuriste

Trois voitures japonaises vintage d’exception #01

02.08.2019

TexteYoshio Fujiwara PhotographiesIsao Yatsui

Selon Shigenori Fukuda, le concepteur de la Mazda RX500, « ce n’était pas un simple modèle d’exposition, mais le prototype d’un véhicule conçu comme le successeur de la Mazda Cosmo Sport, avec l’idée de faire une voiture de sport avec un moteur central ».

En 1970, tandis que l’Expo Universelle d’Osaka plongeait le Japon dans l’effervescence, le 17ème Tokyo Motor Show eut lieu au moment précis où l’industrie automobile allait connaître les prémices du choc pétrolier. Le salon regorgeait de nombreux modèles de voitures comme la Toyota EX-7, les Nissan 270X et 126X, et la Isuzu Bellett 1600MX ; véritables bolides aux profils cunéiformes.

Mais une voiture jaune à haute performance, plus connue sous le nom de Mazda RX500, se démarquait fortement des autres. Il s’agissait de la voiture de sport à moteur central de Mazda. L’entreprise, célèbre par la commercialisation du moteur rotatif, était alors en pleine commémoration de son 50ème anniversaire.

« À cette époque, Masataka Matsui, le directeur du département du design chez Mazda, défendait ce qu’on appelait la théorie “offline 5:5”. Pour résumer, cela consistait à s’autoriser à tester un produit dont l’indice de réussite ne s’élèverait qu’à 50 pour cent – autrement dit, on pouvait se préparer mentalement à perdre la moitié de la production en question. Depuis 1965, le personnel de l’entreprise, qui observait attentivement les avancées à l’étranger, en conclut que Mazda se devait de créer son véhicule à moteur central. On commença alors à réfléchir sur un éventuel successeur à la Cosmo, et je crois me souvenir avoir eu vent, plutôt par hasard, de l’intérêt qu’il y avait à construire une voiture à moteur central. Mais comme ce n’était pas un projet officiel, l’idée était de le confier à des employés partageant les mêmes idées. Je faisais partie des cinq personnes à se porter volontaires pour rejoindre ce projet, auquel on se consacrait pleinement après avoir effectué nos tâches quotidiennes. On travaillait sur la Mazda Familia durant la journée, et on accordait tout notre temps libre au projet. »

On finit par aboutir à cinq différents modèles et, après avoir mené des essais en soufflerie, on sélectionna le design de Fukuda, dans la mesure où il présentait le moins de résistance aérodynamique, encore que la proposition initiale – à savoir un coupé cabriolet – fut remodelée pour devenir une voiture familiale, avec un coefficient de traînée plus faible. À cette occasion, Fukuda proposa une formule 3 en 1, faisant du coupé tantôt une voiture de course, grâce à l’ajout d’un aileron arrière et d’un auvent arrière amovible, tantôt une familiale. Et finalement, ce fut cette voiture qui fut produite.

En janvier 1969, lors d’un évènement dédié à la célébration du 50ème anniversaire de la création de Mazda, en janvier 1920 – alors baptisée Toyo Cork Kogyo Co., Ltd – l’annonce de l’appellation RX500 et l’exposition d’un modèle en argile de la voiture, firent grand bruit. C’est de cette réaction que découla la décision de fabriquer la véritable automobile.

« On décida également d’exposer la voiture au Tokyo Motor Show, précise Fukuda, alors il fallut se hâter de réaliser également l’intérieur. On en doit principalement le design à Ryo Uchida, qui avait rejoint l’entreprise la même année que moi. »

Au départ, la voiture était de couleur verte. Mais en accord avec une proposition émise par l’architecte Kisho Kurokawa, qui supervisait le stand Mazda au Tokyo Motor Show cette année-là, il fut décidé de la repeindre en jaune.

« Vous devez vous demander quelle genre d’impression fit la voiture à l’ouverture du salon, poursuit Fukuda. Eh bien, au moins, on peut dire que l’engin ne ressemblait à aucun autre (rires) ! Après le salon, la voiture partit faire la tournée des concessionnaires du  monde entier. Mais comme elle avait été un peu abîmée, on décida de lui donner une deuxième jeunesse, d’où ce ton gris métallisé dans lequel elle fut repeinte et qui demeure sa couleur actuelle. »

Cependant, par la suite, ni la RX500, ni aucune autre voiture de sport à moteur central s’en inspirant ne vit le jour. La principale raison à cela, selon Fukuda, était son « volume trop important par rapport à la Cosmo Sport ». Bien que Mazda ait fait preuve d’innovation en étant le tout premier fabricant japonais à produire, de A à Z, un prototype de voiture à moteur central – la R16A, en 1965 – l’entreprise n’a pas su trouver la solution optimale qui aurait rendu la voiture assez compacte pour une production de masse. Puis, en 1973, le monde fut frappé par la crise pétrolière, ce qui changea entièrement la donne.

Cinquante ans ont passé depuis l’arrivée sur les chapeaux de roue de la RX500, en1969. Un modèle de la voiture sous les yeux, Fukuda poursuit en dissertant sur le design propre à cette époque.

« La vision que j’avais, relevée à la fois du design des voitures de courses et de celui des avions. Comme vous pouvez le constater, on retrouve quelques éléments de l’aviation dans la voiture, comme la verrière, les évacuations d’air et le système de postcombustion. Je voulais aussi donner aux feux arrière une apparence futuriste. Bien que ce ne soit pas permis sur le plan de la loi, les phares étaient initialement conçus pour s’allumer en jaune au freinage, en rouge quand la voiture s’arrêtait, et en vert pour une vitesse stable. L’empennage était une idée tirée du film 2001 l’Odyssée de l’espace. Je voulais que cette voiture ressemble le moins possible à une automobile.

Et en effet, l’impact visuel de la RX500, « enfant de l’ère spatiale » en quelque sorte, n’a jamais perdu de son éclat depuis. En même temps, à y regarder de plus près, on remarque que le design est en réalité constitué de lignes subtiles et sophistiquées, jusqu’au moindre détail. Plus particulièrement, la ligne allant de la porte à l’entrée d’air arrière, qui présente un graphisme assez complexe.

« C’est une preuve incontestable de l’influence de Bertone (fabricant d’automobiles italien), souligne Fukuda. Grâce à l’ajout de courbes et de lignes aussi subtiles que délicates, le style n’est pas monotone. De plus, l’intérêt de la voiture tient aussi à certains aspects comme la présence d’une entrée d’air placée au niveau du rétroviseur latéral, où la pression est à son maximum, de manière à laisser entrer de l’air frais à l’intérieur de la voiture. »

L’an prochain – en 2020 – on fêtera le centenaire de la naissance de Mazda. La célébration de cet évènement de taille sera-t-elle l’occasion d’assister à l’apparition d’un autre modèle capable de surpasser l’impact de la RX500 ?

1970 Mazda RX500

Moteur : refroidissement à eau, cylindres en ligne, birotor 982 cm3

Puissance maximale : 250 ch

Dimension : Longueur 4,330 mm ; largeur 1,720 mm ; hauteur 1,065 mm