Sampuru, des plats factices plus vrais que nature

Placés derrière les vitrines des restaurants, ces aliments en plastique, silicone ou résine imitent à la perfection ramen, sushi, ou yakitori.

03.01.2020

TexteClémence Leleu

©Shadowgate

Lors d’un séjour au Japon, ils font partie de ces petits détails du quotidien qui étonnent le voyageur. Placés derrière des vitrines sur les devantures des restaurants, les sampuru sont partout. Ces aliments en plastique, silicone ou résine, imitent à la perfection un bol de ramen, des sushi, des yakitori ou encore une bière bien fraîche. Ils sont, bien souvent, une bénédiction pour les étrangers ne parlant pas un traître mot de japonais.

« Lorsqu’on les regarde, c’est comme si on goûtait le plat une première fois », souligne Yasunobu Nose, journaliste et auteur de l’ouvrage Les Japonais mangent avec leurs yeux, qui détaille par le menu ces oeuvres d’art culinaires. 

 

De la médecine à la restauration

Les sampuru, nom dérivé de l’anglais sample (échantillon), sont nés dans les Alpes Japonaises. Initialement, cette technique de reproduction a été développée par des médecins qui avaient besoin de copies d’organes pour des études pathologiques, découvre-t-on dans l’ouvrage de Yasunobu Nose. C’est dans les années 1920 qu’un restaurateur sollicite l’artisan qui les fabrique pour reproduire les aliments servis dans son établissement. 

La production de ces fac-similés, à l’époque modelés en cire, explose dans les années 1940 pour deux raisons, entre lesquelles il est encore difficile de trancher. Certains estiment que les restaurants ont exposé dans leurs vitrines ces plats factices pour faciliter les commandes des Européens et Américains venus au Japon pour aider à la reconstruction du pays après-guerre. D’autres expliquent cette croissance par la nouvelle offre de plats dans les restaurants, ce qui permettait aux Japonais de se familiariser avec les mets avant de les déguster.

 

Un savoir-faire farouchement perpétué

Si certaines entreprises ont désormais cédé à l’appel de l’industrialisation pour une production plus volumineuse, il existe encore quelques ateliers dans l’archipel où des artisans spécialisés fabriquent et décorent à la main ces sampuru. Un savoir-faire qui a hypnotisé le cinéaste Wim Wenders, qui leur consacre la septième section de son film Tokyo Ga, sorti en 1985.

Les ateliers conçoivent majoritairement des plats ou aliments à la demande, en s’inspirant souvent de photographies envoyées par les restaurateurs. Le prix de ces aliments artificiels, en revanche, est bien supérieur à celui du plat sorti véritablement des cuisines.

Pour pouvoir les observer plus en détails, rendez-vous dans le quartier d’Asakusa à Tokyo, et particulièrement dans la rue Kappabashi-dori. Impossible de la manquer : un visage gigantesque de cuisinier italien installé sur un building, toque blanche sur la tête, sourcils fournis et moustache épaisse, marque son commencement. 

Entre les magasins d’ustensiles de cuisine se nichent des boutiques garnies de milliers de ces faux plats, déclinés désormais en format souvenir, plus pratique à ramener dans ses valises. Les maki, udon et okonomiyaki prennent alors la forme de porte-clés ou de magnets. Une évolution nécessaire pour ces ateliers, le silicone et la résine étant presque inaltérables, les restaurateurs n’ont plus besoin de renouveler leurs stocks de sampuru aussi régulièrement qu’auparavant.

 

Plus d’informations sur les boutiques de sampuru tokyoïtes sur le site officiel du quartier de Kappabashi.

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