La communauté transgenre tokyoïte des années 1970 immortalisée par Satomi Nihongi

Dans sa série “'70S Tokyo TRANSGENDER”, la photographe présente une culture et une esthétique en marge des normes sociales.

19.06.2022

TexteHenri Robert

© Komiyama Books

En 2020, le film Midnight Swan de Eiji Uchida mettait en lumière les discriminations relatives aux identités de genre au Japon, et dénonçait l’absence de loi les condamnant. Le chemin vers une société où les minorités ne seraient plus ostracisées est long, et si les choses avancent, c’est notamment grâce à la culture.

Dans les années 1970, la photographe Satomi Nihongi s’est immiscée dans la communauté transgenre tokyoïte et a rendu hommage à une culture et à ses acteurs. La série a été publiée en 2021 par Komiyama Books (500 exemplaires).

Reconnue pour son travail sur les jeunesses marginales, notamment les punks londoniens et les membres de la scène rock parisienne, la photographe Satomi Nihongi propose dans l’ouvrage ’70S Tokyo TRANSGENDER une série de 126 portraits, réalisés dans les bars gays des quartiers de Shinjuku, Akasaka et Aoyama. Dans ces tirages d’époque, la photographe présente une culture et une esthétique en marge des normes sociales.

 

Sourire timide et tête haute

Ce travail de documentation des milieux trans est apparu dans le magazine Kuro no Techo, avant que Satomi Nihongi ne soit invitée par le groupe Geribara (groupe artistique composé de cinq membres créé par Nobuyoshi Araki) et que la série ne figure en 1972 dans l’ouvrage Five Girls, publié par le collectif. Nombre des tirages intégrés à cette nouvelle publication sont inédits.

Né d’un désir personnel, ce projet a par la suite amené des clubs à contacter la photographe et à l’inviter à photographier leurs événements. Ces portraits en noir et blanc, scans d’impressions vintage originales qui n’ont jamais été montrées auparavant, sont en partie dégradés, tachés, marqués par le temps. Intime, la série présente des danseurs, clients, posant face à l’objectif, seuls ou en groupe. Le sourire est timide, doux, mais les sujets ne baissent pas le regard. Dans cet environnement où ils sont à même d’exprimer leur personnalité, chacun se distingue notamment à travers son style. Ces individus apparaissent fiers, ils passent outre les normes sociales, tout en dégageant une attitude réservée.

Un demi siècle après — alors que  le Japon est le seul État du G7 sans lois interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle —, cette ode à la culture et à sa diversité appelle à un nouvel état des lieux, à constater les progrès, et à avoir l’ambition de les poursuivre.

En parallèle de la publication de ’70S Tokyo TRANSGENDER, la maison d’édition propose en 2021 une autre série de Satomi Nihongi, ’70s Tokyo LONG HAIR INVERTED. Celle-ci propose, à travers des clichés pour partie en négatif, de revenir sur la mode des cheveux longs au sein de la jeunesse tokyoïte des années 1970.

 

’70S Tokyo TRANSGENDER (2021), une série de photographies de Satomi Nihongi publiée par Komiyama Books.

© Komiyama Books

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